08 juillet 2008

ITW Empyr


Bonjour, est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter succinctement ?

Benoît : Alors, moi je suis Benoît, bassiste du groupe et je fais aussi des chœurs, un peu de chant
Jocelyn : Et moi je suis Jocelyn, je suis batteur.

Vous arrivez du festival Solidays, où vous avez joué hier, comment s’est passé le concert ?

B : Écoute c’était plutôt cool, on était assez surpris parce que c’est toujours un peu difficile de commencer un festival, et là en l’occurrence on était le premier groupe à jouer, le premier son à être envoyé. Je crois que cette année ils sont passés à un système de billets électronique, et ils ont eu des petits soucis. Du coup beaucoup de gens sont restés coincés à l’extérieur, mais quand on a commencé à jouer il y avait quand même pas mal de monde, et puis ça s’est rempli au fur et à mesure du set. Mais ça s’est très bien passé.

À l’heure actuelle vous n’avez qu’un seul album à votre actif, comment vous gérez ça dans les concerts où vous êtes la tête d’affiche, dans des salles de concerts traditionnelles ?

B : On joue tout l’album, plus deux morceaux bonus qui ne figurent pas sur "The Peaceful Riot". L’un des deux est sur la version japonaise, c’est "Way Out". L’autre morceau, on avait commencé à l’enregistrer aux États-Unis en studio, mais on l’a pas gardé sur le disque, considérant qu’on avait dit assez de choses avec douze titres. Mais comme on l’aime quand même pas mal ce morceau on le fait en live. Puis c’est une cartouche assez péchue du set (rires). Ça s’appelle "Say It".

Pour en venir à proprement parlé sur l’album, j’ai entendu dire que vous aviez résidé au même endroit que Nirvana pendant un temps, c’est véridique?

J : Non c’est vrai, mais bon c’est vraiment une anecdote. On était dans une résidence d’appartements temporaires, donc là-bas beaucoup de gens viennent pour des castings, donc de un jour à 6 mois. Et eux étaient venus dans la même résidence que nous, on l’a appris une fois là bas. La nana à l’accueil nous montrait toutes les photos avec les personnes qui étaient venues, et puis il y avait Nirvana. Mais bon on le savait pas avant d’y aller et ça a pas vraiment influencé notre séjour.


Fred, qui assure la guitare au sein du groupe, est aussi producteur et a travaillé sur pas mal d’albums. Il s’est investi dans la production de cet album ou il a laissé le champ libre à Ken Andrews ?

B : Je crois que quelque part ça lui a fait un peu des vacances de ne pas se soucier du travail de producteur, dans le sens où depuis 10 ans tout ce qui concerne la production, c’est lui qui s’en charge. Et là dans ce nouveau groupe, je pense que ça lui allait de travailler avec quelqu'un et de se décharger de ça pour se concentrer uniquement sur le côté création. Et puis nous on avait aussi ce souhait de travailler avec ce mec là.

J : Avec Watcha, les 2-3 derniers disques c’est lui qui a tout fait et des fois avoir plusieurs casquettes dans un groupe c’est pesant. Alors c’est intéressant d’avoir les choses en main, mais en même temps là je crois qu’il était content d’avoir simplement un rôle de musicien et pas de producteur.

La basse est un pilier du son de l’album, tu as eu une recherche particulière par rapport à ça, une évolution vis-à-vis de ce que tu faisais avant ?

B : Disons que mon évolution générale depuis le début est quand même au service de la chanson. Dans les premiers albums que j’ai fait avec Pleymo, c’était des plans techniques avec beaucoup de parties un peu bizarres. Plus ça va, et plus j’ai envie vraiment de servir un groupe et de m’inclure dedans, et non pas de ressortir. Donc je vais dans ce sens-là depuis que j’ai commencé.

J : Je trouve que t’étoffes davantage ton son sur Empyr par exemple. Le but n’est pas de faire des grosses coupures rythmiques, mais par contre je trouve que la basse dans le disque apporte beaucoup aux riffs de guitare.

B : Le son a quand même pas mal changé sur cet album. J’ai enregistré sur mes basses mais aussi sur d’autres, et globalement j’ai joué sur du matériel que je ne connaissais pas beaucoup. Malgré tout je suis assez content du bon son de tracteur que j’ai sur l’album (rires).


Encore par rapport à la basse, j’ai trouvé que son rôle remplaçait presque les gros riffs de guitare, assez peu présents sur l’album finalement, et que sa présence s’en retrouve bien plus forte.

B : Oui c'est vrai, c’est complètement logique en fait. Si tout le monde envoie le même signal, t’auras de la puissance. Mais si les guitares s’écartent pour faire des choses plus légères sur les côtés, la basse va forcément ressortir, et la base du morceau va acquérir d’elle-même une certaine lourdeur. Effectivement sur cet album on avait pas envie de refaire les morceaux avec des gros accords plaqués. On a fait pas mal de recherche dans le son et la composition pour apporter quelque chose de plus fin. Au final, il y a assez peu de sons de distorsion, on appuie de moins en moins sur la pédale « disto » car il y a d’autres choses à explorer. Ce groupe-là, c’est un peu ça, c’est explorer un côté artistique, mais aussi en termes de son et de production.

J : Avec nos groupes respectifs avant on avait tendance à faire la même chose tous ensemble, pour avoir un mur de son. En écoutant des groupes américains on s’est rendu compte que quand les guitares ont leur rôle de guitare et que la basse occupe sa place, c’est souvent bien plus gros comme ça. Pendant l’écriture on a donc été attentifs à écrire des parties de guitares qui soient pour des guitares et à ce que la basse ait sa place.

À l’écoute de l’album, j’ai trouvé que les titres les plus longs étaient ceux qui étaient les plus porteurs, les plus réussis.

B : C’est logique en fait. Quand tu veux installer un climat dans un morceaux, il faut un peu plus de temps, il faut poser les choses. C’est dur de créer des climats entêtants sur des chansons courtes, mais à la fois on aime bien ça. On aime bien aussi envoyer une chanson courte, efficace, catchy, parce qu’on aime les deux.

J : On en parlait, je sais que moi j’ai envie de sortir du schéma classique des morceaux, où t’es contraint de revenir sur ton couplet après ton refrain. Ça donne peut-être des chansons super efficaces, mais nous on avait envie de créer des climats particuliers, ce qui implique de s’attarder. Pourtant on trouve aussi un intérêt à faire des morceaux compacts, avec la structure couplet-refrain. Je pense que sur le prochain album, maintenant qu’on a vu que ça fonctionnait, il y aura de plus en plus de chansons longues.

B : Moi je pense que sans parler de climat lourd et lent, l’objectif du prochain album, puisqu’on aborde le sujet, sera d’essayer de créer des atmosphères étranges même dans les chansons courtes. L’objectif pour moi est d’arriver à faire quelque chose de bizarre et efficace.

Que dire de la signification du visuel qui illustre votre album ?

B : C’est un visuel qui est venu petit à petit. Benoît avait cette idée de drapeau, de bannière, qui colle bien avec le nom "Empyr". Il y avait cette idée de construire quelque chose de nouveau, c’est un thème qui est assez récurent dans les chansons. On s’est dit qu’on allait incarner ça avec un personnage, livré à lui-même, au début d’une nouvelle ère ou à la fin d’un monde, en plein milieu d’un désert…

J : … et on lui a mis un partenaire un peu imprévu…

B : … et symbolique à la fois. C’est vraiment un choix graphique. Je me souviens, on en discutait en studio, et on se disait que ce serait mortel d’avoir un ours, un animal à la fois beau et puissant. Puis on aime bien aussi l’imagerie un peu décalée de Lynch, avec un côté un peu surnaturel. Après on s’est aperçu que placer un ours blanc dans un désert, ça allait dans le même sens que l’imagerie de puissance et de fragilité combinées.

J : Oui il y a un côté fragile dans la figure de l’ours blanc, même s’il en impose, c’est une merveille comme animal !

On retrouve, toujours dans le visuel, cette imagerie trash, crade. Ça vous colle bien cette image crade ?

B : La photo présente sur les affiches retranscrit toujours ce côté un peu apocalyptique, onirique. Le choix de la colline, de la lune derrière, et du côté crade c’est totalement en corrélation avec notre musique.

Cet univers est aussi celui développé par Mark Maggiori (ex chanteur de Pleymo), qui a réalisé votre clip. Quelle a été son influence à ce niveau là ?

B : À la base, on était parti sur une autre idée pour le clip. Sans même en parler à Mark, on voulait faire un clip dans le monde entier, montrant des suites de portraits, avec des personnages, qui, au bout du comptes, seraient tous connectés par la musique. Malheureusement on s’est vite aperçu qu’on pourrait jamais le faire pour des questions évidentes de financement. On a alors contacté Mark, qui nous a dit qu’on pouvait réaliser ça à Los Angeles, pendant qu’on y était pour l’enregistrement. Du coup on est parti faire ce clip avec lui. Et puis c’est vrai qu’en ce moment il est vraiment dans cette recherche de freaks, de personnages un peu bizarres, le midwest américain… il est bien obsédé par ça. Lui nous a aussi mené un peu dans son univers et quelque part cette galerie de portraits nous rappelle de bons souvenirs car la plupart des gens qui apparaissent sont des amis qu’on s’est faits sur place.

J : Au début on avait des idées un peu plus « concept », dans le même esprit que l’affiche, avec cette lune énorme. On pensait le faire en Islande d’ailleurs. Et puis en regardant l’EPK réalisé pour "Water Lilly", avec tous ces gens qui défilent, on s’est finalement décidés à poursuivre dans cette voie. C’est vrai qu’on avait envie de faire un peu le tour du monde, et faire dire quelque chose à tout le monde, les filmer en situation avec un drapeau par exemple. Mais au niveau budget c’était un peu compliqué (rires). Et puis à Los Angeles, où on est restés deux mois quand même, les personnages, qui sont en fait des connaissances, étaient déjà là, disponibles.

Je ne vais pas revenir que le choix de la langue, mais est-ce que ça a été plus facile d’exprimer cette mélancolie ambiante qui règne sur l’album avec l’anglais ?

J : Pour moi la mélancolie vient en effet des textes, mais elle vient aussi de la musique. Peut-être que ça aurait été plus facile de donner cette impression de mélancolie en utilisant le français, parce qu’on maîtrise mieux, mais par contre le fait que la voix soit plus utilisée comme un instrument, et qu’elle soit incluse beaucoup plus musicalement, je pense que ça nous a véritablement aidé à donner les intentions qu’on voulait au niveau des ambiances.

C’est vrai que la voix apparaît comme un instrument sur cet album.

B : C’est l’anglais qui permet ça! Le français, t’es obligé de le sur-mixer, de le mettre en avant pour assurer certaine compréhension. L’anglais s’arrange beaucoup plus facilement, c’est des ouvertures de voix assez particulières, finalement assez proche d’une guitare avec une wha-wha (il mime). C’est beaucoup plus musical.

J : C’est ce que nous expliquait une anglaise qu’on a vue récemment. En français pour déchiffrer un mot t’es obligé de comprendre les 2/3 des syllabes. En anglais il y a un côté beaucoup plus phonétique dans la langue, donc si t’accroches un morceau du mot tu le comprends. Donc c’est une langue qui se mixe naturellement 6 décibels moins fort que le français. Ça change beaucoup de choses dans la conception, t’es pas obligé de mettre le chant en avant. Alors parfois on a fait ce choix, mais ça n’est plus une obligation.

Est-ce que le fait d’avoir eu des contrats chez des majors dans vos groupes respectifs vous a aidé pour figurer aujourd’hui au catalogue de Sony BMG ?

B : Ah complètement.

J : Indéniablement.

B : Kyo était chez Jaïve-Epic, Pleymo aussi, Fred et Watcha étaient dans le même immeuble, chez Sony, donc ça s’est fait très naturellement. On a eu l’idée de ce groupe, on a commencé à travailler, personne dans la maison de disque n’était véritablement au courant. Pour autant la plupart des contacts que l’on a là-bas sont des amis, donc ils ont fini par savoir qu’on avait ce projet-là. Ils ont écouté et ils ont été emballés tout de suite, donc ils ont voulu nous accompagner dans le projet.

J : Pour le coup il n’y a eu aucune pression. La moitié des gens avec qui on bossait n’avait même pas entendu les maquettes. Le directeur artistique est venu un jour au bout d’un mois d’enregistrement, et il est reparti super content de ce qu’on faisait. Le fait qu’on ait travaillé pendant longtemps avec des majors nous a enlevé ce poids qui pèse en temps normal sur les groupes tous neufs.

B : En fait dans les maisons de disques il y a plusieurs catégories d’artistes. Certains sont présents car ils ont des perspectives de succès assez fortes, donc ils subissent beaucoup plus de pressions que nous pour que ça marche. Nous on fait partie des artistes en développement, on a la chance d’être dans cette catégorie là. En fait les majors mettent la pression sur des artistes dits rentables pour pouvoir financer des projets comme le nôtre, donc on est plutôt privilégiés. Ça nous donne des libertés.

J : Avec nous ils se font plaisir, et avec les autres ils remplissent les caisses.

Pleymo est déjà passé par Bobital l’année précédente, quel souvenir tu gardes de ce concert Benoît?

B : En fait je bassine souvent les autres, parce qu’avec Pleymo on a fait pas mal de festivals où on repasse maintenant avec Empyr. Avec Pleymo à Bobital c’était un peu le zénith de la tournée, c’est exactement ce que je leur ai dit. Je pense que ce soir ça va être le concert dont on va se rappeler, parce qu’on va jouer devant 40 à 50 000 personnes a priori. On aura rarement l’occasion de jouer devant autant de personnes.

Vous avez fait un travail particulier pour préparer votre album au live ?

J : Pour moi c’est pas nécessaire de rejouer le disque sur scène. Tant que l’esprit du morceau est restitué, c’est pas nécessaire de fouiner et vouloir mettre la guitare acoustique là où elle est sur l’album par exemple. Maintenant je pense qu’une personne qui connaît le disque et qui nous voit en live s’y retrouve à 100%. Certaines choses ont quand même été enlevées, car on a pas le parti pris de garder fidèlement ce qui a été fait sur l’album.

B : On est pas spécialement pour retranscrire les chansons telles qu’elles sont sur l’album. Et même je pense qu’on peut aller beaucoup plus loin que ça, pour donner une version différente en live. Je pense que plus ça va aller, plus on va envisager la tournée comme un autre moyen d’expression, pour donner une seconde vie au morceau.

J : Limite ça tombe sous le sens. Le studio offre pas mal de possibilités, la scène est plus restrictive, on va pas commencer à mettre des milliers de bandes derrières. Donc naturellement on adapte.

Visiblement vous avez l’air assez fan de cinéma, il ressemblerait à quoi le film qui aurait votre album comme bande originale ?

B : S’il y avait un film dont j’aurai voulu faire la bande originale… (il réfléchit)
J : … toi ça doit être un truc du style American Pie (rires)
B : Non ce serait du Lynch. Bon je pense pas que ça arrivera un jour mais ça aurait été un grand pied. Je suis très fan de Cliff Martinez, qui écrit des musiques de film et qui travaille beaucoup avec Soderberg. Et lui a une bonne approche musicale du cinéma, à chaque fois il s’entoure de gens assez pointus dans le domaine musical et j’adore ce que Cliff Martinez a pu produire avec lui. Maintenant je suis ouvert à toute proposition, d’ailleurs s’il y a un réalisateur en herbe, talentueux, qui lit cette interview, qu’il nous contacte, car on ne demande que ça !

J’ai pu entendre des personnes parlant d’Empyr et disant qu’elles n’écouteraient jamais ce groupe car il y a des ex membres de Pleymo, Vegastar, et surtout de Kyo. Comment vous réagissez par rapport à cela ?

J : Moi je trouve ça franchement débile. Par contre on a déjà vu des personnes qui disaient ne jamais vouloir écouter Empyr et qui finalement, après écoute, sont revenus sur leur position. Si Empyr plaît, les gens passeront au-delà de ces préjugés-là. S’ils n’y arrivent pas tant pis pour eux.

B : Ils ont tout à fait le droit de dire qu’ils n’aiment pas. Après c’est dommage de s’arrêter sur des préjugés. Je comprends qu’ils aient été un peu bassinés par Kyo du fait de leur médiatisation, je comprends aussi que le côté Pleymo qui se prenait pas trop au sérieux et qui faisait une musique un peu métal ça leur a pas plu. Mais de s’arrêter à ça et de dire « j’écouterai jamais ça parce que untel ou un autre faisait telle chose », je trouve ça dommage, tout simplement. On juge pas quelqu'un, sa musique, sans l’avoir écoutée.

Qu’est-ce qui tourne comme CD dans le bus en ce moment ? Qu’est-ce que vous avez découvert comme artistes récemment ?
J : Dans le bus c’est plutôt FIFA 2008 ! (rires)
B : Oui on regarde pas mal de films et on se défonce pas mal la tronche à FIFA 2008. Mais sinon ces derniers temps j’ai découvert The Thing Things et Blood Red Shoes.


C’est une tradition, dernière question = question à la con. Alors jouer avec Fatal Bazooka c’est une consécration pour vous ?

B : (rires) Bin ouais (rires). J’ai assisté aux deux derniers morceaux et c'était…. (il réfléchit sans trouver). On m’a dit qu’apparemment il avait pris une canette sur la tronche, j’espère qu’on aura pas le même traitement.
J : Oui je confirme, il est sorti de scène salement amoché.
B : Je suis quand même content de jouer avec The Verve. On avait joué avec eux en Suisse, il y a vraiment de très très bonnes phases en live. Le chanteur a un charisme de fou, il incarne carrément sa musique. Puis Boy George ça a bien bercé mon enfance (rires).

Merci à vous !
B : Merci à toi, très sympa comme interview
J : Ouais merci, à bientôt !

Pierre

Merci à Aurore et Christophe du management Empyr, à Benoît et Jocelyn pour leur disponibilité. Bonjour à Didier de RTF.

2 commentaires:

À 1:33 PM , Anonymous Anonyme a dit...

Très chouette interview! C'était un plaisir de la lire, et les questions sont vraiment bonnes
Merci ;)

 
À 1:19 PM , Anonymous Anonyme a dit...

Merci pour cette interview!!

 

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