28 mars 2009

Opeth @ Rockefeller

Opeth est une nouvelle fois de retour à Oslo, celle qui les a vu jouer d’innombrables fois depuis la sortie d’"Orchid" en 1995. Pas étonnant que le show de ce soir soit complet, les Norvégiens réservent toujours aux Suédois un accueil à la hauteur de ce qu’ils ont accompli. C’est au Rockefeller que se tiendra l’événement, endroit ô combien symbolique de la capitale nordique. Les portes ouvrent à 20h et 15 minutes avant la queue fait presque le tour du bâtiment.
À l’intérieur, la salle se décompose en une fosse et un balcon où les premiers arrivés s’attablent bière en main. Un espace "lounge" permet même de regarder simultanément le concert sur un écran géant avec un système son décoiffant de réalisme. Bref, les 1350 fans venus ce soir seront à l’aise, moi y compris. Retrouvailles avec Espen, représentant de Roadrunner pour la Norvège, et c’est pass photo en main que nous nous dirigeons vers un espace presse, backstage, pour une petite bulle.
C’est le projet solo du leader d’ Emperor, Ihsahn, qui ouvre pour les Sudéois. Difficilee d’oublier combien il était efficace au sein d’Emperor. Son projet solo est plus progressif, mais n’atteint pas une intensité sans précédent. Mais le groupe est chez lui et en joue intelligemment pour convaincre l’assemblée. Les lignes mélodiques et les solos alambiqués mériteraient une écoute plus attentive que les conditions sonores ne permettent malheureusement pas. Qu’on soit leader d’Emperor ou pas, une première partie reste une première partie, avec le statut que ça implique.

Changement de plateau rapide, la pression monte du côté des fans. Habituelle discussion avec les groupies du premier rang, indiscrétions sur la set-list puis noir-scène. Le Rockefeller tout entier exulte avant que les premiers accords de "Heir apparent "arrivent enfin. Un son massif qui satisfait des mois d’attentes. Et c’est un euphémisme de dire qu’en live, Opeth c’est carré. Ce qu’il faut de maîtrise et de folie furieuse (Per derrière ses claviers laisse ne ménage pas sa nuque), presque indescriptible tellement le quintet tape là où peu de formations n’imaginent même pas aller. "Ghost of perdition" prend la suite, assommant les premiers rangs tandis que derrière les plus virulents font voyager leurs cheveux. Mikael Åkerfeldt ne déroge pas à sa réputation et enchaîne blagues et grimaces pour ce premier break. Suédois et Norvégiens se comprenant parfaitement, c’est tout naturellement dans sa langue maternelle que le seul rescapé de la formation originelle s’adresse à ses fans, de quoi regretter d’avoir eu de justesse son examen de Norvégien. But atteint, le public communique avec le groupe et vice-versa, une ambiance détendue qui prépare à la suite. "Godhead’s lament" a fait remonter les fans jusqu’à Still Life. Toujours dans un registre metal, les Suédois font forte impression. Fredrik Åkesson est plus à l’aise que jamais et enchaîne les positions "heavy metal"comme il l’aurait fait alors qu’il était encore au sein d’ Arch Enemy. "The leper affinity" termine ce déluge de distorsions avec brio. D’un bout à l’autre des titres, Opeth donne ce sentiment d’un bloc massif, 5 musiciens de haut vol à 110% et qui donnent le sourire à des fans plus qu’heureux. "Credence" marque le pas dans des sphères acoustiques et mélancoliques. Le leader d’Emperor a eu la bonne idée de se placer juste à ma gauche pour regarder ses compères Suédois mener une véritable démonstration. J’en mène pas large quand Hessian peel débute, quand bien même le deuxième extrait de "Watershed" est sauvagement bon. Les growls de Mike jouxtent des passages acoustiques apaisants, le public est complètement hypnotisé. Planté dans le sol, Martin Mendez oublie qu’il a dû consulter un médecin d’urgence la veille, se plaignant de sa main droite, et s’acharne sur sa basse, donnant cette assise au son du quintet. La surprise de la soirée vient de "Closure", cet extrait de Damnations aux effluves orientaux. L’audience plonge dans un titre psychédélique, aérien où Mike, yeux fermés, statique, semble voyager autant que ses fans. Tout se finit avec "The lotus eater," perle rare de "Watershed", où la fosse survoltée donne ses dernières onces d’énergie. Le groupe quitte la scène sous une ovation générale où on sent un profond respect.
À son retour sur scène, Mike s’adonnera avec un malin plaisir à faire participer la foule à un concours de air-headbang, sans musique et toutes lumières allumées. C’est Delivrance qui mettra fin à un concert de plus d’une heure trente qui est passé trop vite de toute façon. Inutile de préciser à quel point la fin de ce titre est jouissive, un festival de lumières accompagnant ce riff polyrythmique familier.

Opeth restera un groupe incomparable, disponible, humain et généreux. Ce passage à Oslo aura prouvé une nouvelle fois qu’on est pas LE groupe death-prog pour rien.

Pour les photos, cliquez ici pour Ihsahn et ici pour Opeth

Pierre

Opeth - Interview

Avec Opeth on touche dans le genre de groupe à mettre dans la case "mythique". Rencontre avec Per, Fredrik et Martin lors de leur passage à Oslo début mars.

Vous étiez à Dubaï il y a quelques jours pour le Desert Rock Festival, avec notamment Motörhead. Que dire de cette expérience ?

Martin Mendez (basse) : Pour une première c’était génial ! Beaucoup de gens, et surtout beaucoup de gens contents de nous voir.
Fredrik Åkesson (guitare) : Le public était vraiment dedans, très réceptif, bougeant dans tous les sens. Je me rappelle même d’un mec assis sur les épaules d’un autre, en train de pogoter tout en souriant (rires) ! Ils ont vraiment faim de métal, car c’est beaucoup plus difficile d’être un metalhead là bas, à cause de toutes ces lois. Les gens sont venus de loin, d’Irak, d’Iran…
Per Wiberg (claviers) : … de Syrie..
MM : … du Liban aussi.
FA : Je pense que ce festival a véritablement commencé quelque chose, les fans là-bas n’ayant pas beaucoup de concert métal auxquels aller.
MM : Le public est complètement différent du coup, ils sont beaucoup plus ouverts et se lâchent plus facilement.
FA : J’ai pas eu l’occasion de sortir du lieu du festival mais l’expérience était vraiment très intéressante.

Cette tournée commence en Norvège, pas très loin de chez vous.

FF : Oui c’est comme jouer à la maison, un véritable atout. Surtout que certaines dates norvégiennes sont déjà complètes, c’est de bon augure.

Vous avez joué en Inde il y a quelques temps, vous partez dans les prochains mois pour l’Amérique Latine, la Turquie ou encore la Grèce. Y a-t-il encore une partie du monde où vous voudriez aller ?

MM : C’est vrai qu’on commence à couvrir le monde entier (rires) !
PW : Personnellement j’aimerais bien aller en Chine. D’autres groupes faisant à peu près la même musique l’ont déjà fait et ce serait une expérience inédite. L’Afrique aussi reste en dehors de nos destinations jusque-là, ce serait bien d’y aller.
FF : L’Islande j’aimerais beaucoup, mais en ce moment ils sont dans une mauvaise passe (rires) !

Vous avez capté des réactions spécifiques aux chansons de Watershed jusque-là ?

FF : Oui, Lotus eater. Dès qu’on commence à la jouer, le public ouvre les yeux en grand, c’est un morceau très bien accueilli.
PW : Lotus eater est vraiment populaire, et c’est une des pièce maîtresse de Watershed. On a commencé récemment à jouer Hessian peel, et les retours sont là aussi très positifs. Après les concerts les fans nous disent souvent que ce titre les a marqué.
C’est beaucoup de travail en amont du concert pour préparer des chansons aussi longues et complexes que celles d’Opeth ?

FF : C’est différent pour moi que pour le reste du groupe, je n’ai pas le bagage qu’ils ont accumulé puisque je ne suis dans le groupe que depuis peu. Mais on répète beaucoup de toute façon, c’est la seule et unique façon de rentrer dans les chansons et de les jouer le plus naturellement possible.
PW : Je ne pense pas que la difficulté vienne de la longueur des titres. Les plus courts sont souvent les plus difficiles à faire sonner, ceux de Damnation en particulier. On fait notre possible pour faire sonner les titres du mieux que l’on peu, Parfois ça implique de les interpréter d’une manière différente que sur l’album.
Après plus de 6 mois de tournée, est-ce que les titres dévoilent des légers défauts passés inaperçus lors de l’enregistrement ?

PW : On ne peut pas vraiment parler de défauts, après-tout les chansons sont ce qu’elles sont et c’est tout. Mais après une période de tournée intensive, même si ce n’est pas voulu, des changements apparaissent dans la manière de jouer les titres. C’est ce qui ce passe pour presque tous les titres joués et répétés, comme sur Heir apparent qui est le titre de Watershed que nous avons le plus joué jusque-là.
FF : Oui il y a cette touche “live“ un peu rugueuse.
PW : Au fur et à mesure de la tournée, tu mets de toi-même dans les titres, notamment dans les transitions entre différentes parties. Après tout c’est normal, on est pas des machines (rires) ?

Jouer dans un club complet, c’est un show à moitié gagné ?

FF : Bien sûr ça a une influence, on est bien plus remontés, mais c’est le cas à chaque concert.
PW : L’importance de la foule ne compte pas vraiment, on a toujours le même plaisir, qu’on joue devant 100 ou 15 000 personnes.
MM : Un concert sold out veut surtout dire que vous pouvez revenir et toujours avoir des fans qui vous attendent.


Le Progressive Nation Tour se reforme autour de groupes comme Zappa Play Zappa et, bien entendu, Dream Theater. Quels souvenirs gardez-vous de cette collaboration ?

FF : C’était différent de ce qu’on a pu faire avant, les salles étaient vraiment très grandes. Et puis le public était assis la plupart du temps.
PW : On a fait quelques concerts devant un public assis mais 99% de nos prestations se font devant un public debout, prêt à en découdre. À vrai dire c’était assez difficile de déceler une réaction en face. On a fait notre maximum à chaque fois, mais Dream Theater a vraiment des fans “hardcore“.
MM : Les gens assis aux premiers rangs ont dépensé beaucoup d’argent pour voir Dream Theater et ils sont impatients de les voir. Souvent on les voyait regarder leur montre et faire (il mime) « bon ils ont fini ? » (rires) !
FF : Pourtant on a conquis de nouveaux fans, surtout que cette tournée précédait la sortie de Watershed. Mais c’était marrant de voir la réaction des premiers rangs quand Mike commençait à growler (rires) !

La scène prog-metal a-t-elle besoin d’une telle initiative pour être plus visible ?

PW : Difficile à dire mais la scène progressive a toujours existé depuis les années 60 et existera toujours. Pour moi ça reste du rock à large spectre. Ce genre d’initiative est bien pour les fans du genre qui veulent un plateau de musique progressive.

Faire des concerts de 3 heures comme d’autres groupes de prog le font, c’est dans les cartons d’Opeth ?

FF : On en a parlé un petit peu mais rien de confirmé jusque-là.
MM : On l’avait déjà fait pour le dvd Lamentations. On avait joué Damnation en entier, suivi d’un break et de quelques autres titres, le tout pour environ trois heures.
PW : On a fait 3 shows aux Etats-Unis avec une set list chronologique qui avaient duré environ 3 heures. C’était vraiment cool !
MM : Personnellement je trouve ça un peu long, même si tu es fan. Trois heures avec ce volume.. (rires) ! en fait on fait ça pour les occasions spéciales, mais pas constamment.
FF : L’année prochaine, ce sont les 20 ans du groupe, attendez-vous à quelque chose (rires) !

En quoi Watershed est-il différent de Ghost Reveries ?

PW : La production est totalement différente premièrement. C’est beaucoup plus expérimental, plus psychédélique et moins rentre-dedans que Ghost Reveries.
FF : Watershed développe une nouvelle dimension d’Opeth, sans calculs ou projet préalable. On voulait simplement proposer quelque chose de nouveau.

Watershed est un chef d’œuvre, vous pensez pouvoir aller au-delà et faire mieux pour le prochain ?

FF : Absolument !
PW : Tout dépend de ce que “mieux“ veut dire, et c’est tr !s difficile de trouver une définition qui colle à Opeth. On pourra penser que ce qu’on fait sera encore meilleur et se tromper complètement. La seule chose que je sais c’est qu’il sera très différent de Watershed, il n’y a jamais eu de formule stricte pour un album d’Opeth.

Vous avez joué à la télévision suédoise et vous étiez programmés aujourd’hui pour un passage à la télévision norvégienne. En France c’est impensable d’imaginer un groupe comme Opeth jouer sur un plateau. Une idée de la raison ?

PW : Je crois qu’en Scandinavie les fans sont très attachés aux groupes qui sont de chez eux, même si je ne peux pas comparer avec ce qu’il se passe en France.
MM : Le prog-metal est mieux accepté aussi. Mais je vois ce que tu veux dire et c’est vrai que la France est en retard de ce côté-là.
FF : Il faut savoir qu’on a joué les titres les plus “soft“ de l’album, et que des arrangements ont dû être faits sur “Burden“ pour qu’il ne fasse plus que trois minutes. On était vraiment tenté de jouer un titre brutal (rires).

Est-ce que vous allez inclure des projections vidéos pour le reste de la tournée ?

FF : On l’a déjà fait et c’est très cher d’apporter tout le matériel sur la route. On l’a fait pour notre concert en Inde, puisque tout le matériel était sur place notre ingé-lumière n’a eu qu’à envoyer les vidéos.
PW : On a les vidéos avec nous, mais on ne peut les utiliser que dans les salles où le matériel est déjà présent. Mais c’est clair que c’est vraiment un plus pour l’ambiance.

Bloodbath, groupe réunissant notamment Mikael Åkerfeldt et Martin "Axe" Axenrot, a cessé ses activités jusqu’en 2010. Est-ce que ce groupe a un futur ?

FF : Mike a dit ne plus pouvoir tourner avec le groupe, Opeth étant sa priorité et occupant la plupart de son temps.
PW : Je ne suis pas sûr qu’il veuille cesser toute collaboration mais partir en tournée est exclu. Il faut dire qu’on est vraiment occupés avec Opeth et qu’une fois la tournée terminée, on rentre chez nous pour profiter un peu de nos familles.

Sur quel titre vous éclatez-vous le plus en live sur cette tournée ?

FF : Leper affinity, de Blackwater Park.
PW : Ah ouais elle sonne bien celle-là plupart du temps.
MM : Je suis assez d’accord ! Mais de toute façon demande une vraie concentration pour être jouée.
FF : Hessian peel en particulier, ce passage acoustique est vraiment traître (rires) !

Un mot pour vos fans en France ?

FF : On espère revenir très vite en France, c’est toujours des bons concerts. Le Hellfest est vraiment un bon souvenir.
PW : On a fait trois shows, de très bons concerts. Et puis le Hellfest est un des festivals les plus cool !
MM : J’aime la crème brûlée (en français dans le texte, ndlr), c’est super bon (rires) !


Pierre

Lamb Of God - Wrath


Cinquième livraison discographique pour les True Fuck’in Metal de Lamb Of God. Sacrament était une consécration pour les Américains. Alors, "Wrath", un disque qui a du chien ?

Sur le toit du monde après l’interminable tournée de "Sacrament", Lamb Of God n’a quasiment plus rien à prouver. En live, le combo a fait lever des foules entières et ouvert pour les groupes les plus prestigieux, Megadeth et Metallica en tête. En entrant dans le top 10 du Billboard, les Américains ont prouvé que le metal se vendait mieux que Britney Spears, ne serait-ce qu’outre atlantique. Car en Europe sa notoriété reste trop confidentielle, cantonnant le quintet à des salles comme le Trabendo à Paris. Mine de rien, en quatre albums, Lamb Of God s’est imposé comme la face publique du metal actuel, fer de lance de la New Wave of American Heavy Metal.
Après Machine sur "Ashes of the wake" et Sacrement, le groupe s’est attaché les services de Josh Wilbur, trentenaire responsable notamment du son de…. Pink, Avenged Sevefold ou Limp Bizkit. Il y a de quoi s’agripper aux rideaux. Mais la première surprise de cet album est ce son poisseux, rugueux, à l’opposé du presque chirurgical Sacrement. N’empêche, avoir le bon son n’inclut pas d’avoir les meilleures idées. À l’image de "Ride the lighthning", Lamb Of God donne pour la première fois dans les intros orchestrées, sans toutefois tomber dans le travers de la "ballade". "The passing", à défaut d’être intrinsèquement exceptionnelle, est une magnifique introduction pour "In your words". On reconnaîtra à coups sûrs les éléments imperturbables du son des Américains tout au long de "Wrath" : "Dead seeds", "Everything to nothing" sont à élever au rang de standards, alors que le jouissif "Contractor" repêche les influences punk-hardcore du groupe (et dieu que c’est bon !). La complexité des riffs fait un pas en arrière pour se focaliser sur les progressions à tendance aériennes, en témoigne la seconde partie de titres comme "In your words ou "Fake messiah". À cette évolution marquante du son Lamb Of God, il faut ajouter l’apparition d’introductions acoustiques ("Grace", "Reclamation"). Et c’est là la grande nouveauté qu’avance Wrath, des orchestrations certes recherchées mais qui font descendre la pression d’un cran par rapport à la discographie passée du groupe. On gagne en lisibilité, mais on perd de cette furie de riffs qui assommait l’auditeur jusqu’à la dernière seconde. "Wrath" au contraire se termine "en douceur" avec "Reclamation", plus de 7 minutes assez aériennes couplées à un break qui remet un peu de rythme dans la machine. On sent le groupe presque en roue libre, "Wrath" étant à ce jour l’album le moins stimulant de sa discographie.
"Wrath" est néanmoins un excellent album, mais se démarque franchement de ce que le groupe a pu proposer les dernières années. Pour ceux qui ont aimé "Sacrament", "Wrath" en sera la suite logique et plus que réussie. Quant aux fans de la première heure et des folies furieuses que sont "As the palaces burn" ou "Ashes of the wake", ce nouveau méfait aura un goût amèrement différent.

Pierre

This Or The Apocalypse - Monuments


C’est tout frais signés chez Lifeforce Records que This Or The Apocalypse fait son retour discographique après "Sentinels" en 2006 qui avait soigneusement évité l’Europe. Maintenant au chaud chez les responsables de la success story Trivium, le groupe peut envisager soigneusement son avenir scénique. Surtout que son mathcore teinté de metalcore avait émoustillé ces demoiselles sur les routes américaines. Quoi de plus normal donc d’enfoncer le clou et de se présenter, cette fois sur un public cible élargi au vieux continent, avec un album mastoque, cimenté de partout avec des jointures propres.
C’est la route qu’emprunte le combo américain sur trois premiers titres fougueux et garnis de breaks déboussolants. Malgré un chant décidément bien en retrait face à un batteur poulpesque, les structures polyrythmiques font leur effet, sans toutefois atteindre un génie de référence. À l’instar de l’introduction de "Two wars", le break de Monuments se la joue Meshuggah-like, le down tunning en moins. Derrière ses fûts, Grant McFarland (retenez ce nom) aligne les plans migraineux, exaspérant de facilité. Le plus aérien "We are debt" ne change pas la donne, c’est la rythmique qui prend le dessus et c’est dommage quand on prétend justement à la cohabitation, ou au moins la juxtaposition, de technique et mélodie. Un paradigme osé au résultat décevant, tant la suite de l’album touche le fond. Les riffs doublés à la tierce/quinte sont l’antithèse de l’innovation et du goût du risque alors que les structures chamboulées de titres ne donnent que peu de repères à un auditeur qui finit logiquement par déclarer forfait. Poussant la gageure jusqu’à superposer trois lignes de guitares pour un effet brouillon garanti ("Architeuthis"), le combo se perd en digressions techniques. "Manua Kea" nourri un espoir de cohésion mais à l’image d’un album démonstratif et uniquement démonstratif, on perd en intérêt, tout simplement.
En voulant frapper fort, This Or The Apocalypse a manqué la cible. Pour les amateurs du style, mieux vaut se diriger vers des formations comme Architects qui ont su synthétiser avec beaucoup plus de talents les penchants à la fois techniques et mélodiques de la scène métal contemporaine.

Pierre

Lamb Of God - Sacrament



Il est rare d’enchaîner deux albums reconnus tour à tour album de l’année par la presse spécialisée anglo-saxonne. Même quand on s’appelle Lamb Of Godet que l’on est capable de tourner avec des poids lourds comme Opeth ou Chimaira, le challenge est de taille. Surtout qu’après "Ashes Of The Wake", il fallait se lever tôt et suer dru pour donner une suite à la hauteur. N’écoutant que son envie, le combo s’est enfermé pendant quelques semaines dans leur local, chez eux, à Richmond en Virginie. Là encore Machine est venu aiguiller les phases de pré-production, avec cette fois un peu plus de liberté que sur "Ashes Of The Wake", où il n’a quasiment pas eu son mot à dire. Malgré son statut de groupe issu de l’underground et maintenant fermement installé aux manettes d’une nouvelle génération de groupes américains, Lamb Of God continue à prendre des risques avec ce nouvel album, malgré sa maîtrise évidente de l’exercice.
Côté éléments fondateurs du “son” Lamb Of God, on retrouve dans "Sacrament" une batterie infernale et ce son de guitare si particulier, avec peu de gain et beaucoup de dynamique. On oublie les powerchords au profit de phrases complexes exécutées la plupart du temps à l’unisson par Willie Adler et Mark Morton. Une technicité incarnée par un "Redneck" qui n’en finit pas de partir dans tous les sens, une rapidité digne de Slayer dans "Pathetic" ou encore une lourdeur Panter-esque sur "More time to kill" notamment. Utilisant toujours les mêmes outils, Lamb Of God produit néanmoins une première partie d’album à couper le souffle. "Walk with me in hell" qui passe de riffs atmosphériques à un mid-tempo à déchausser les molaires, "Again we rise" et son faux ternaire à en perdre pied, Redneck et son pont survolté... une montée en puissance au fil des titres et qui se maintient sur les rapides "Pathetic" et "Foot to the throat". Pour ceux qui en douteraient encore, Lamb Of God sait encore comment hacher menu ses fans.
Dans un album de pur métal comme celui que nous offre ici Lamb Of God, difficile de déceler les éléments changeants d’un enregistrement à l’autre. Le titre "Descending" en est pourtant un, toute une plage de "Sacrament" qui se détache du reste par son apparente simplicité et son ternaire lancinant. Un titre signé Mark Morton qui n’a pas rencontré l’unanimité au sein du groupe lors de la phase d’écriture, Chis Adler en tête. Preuve de l’intelligence du groupe, "Descending" finit par figurer sur "Sacrament" et y trouve logiquement sa place. "Blacken the crusade sun" exploite un côté épique que l’on avait pas souvent rencontré dans la discographie des américains. Presque six minutes de sonorités recherchées, une progression toute en puissante qui se termine dans un flot polyrythmique.
Quant à dire que "Sacrament" se place au-dessus d’"Ashes Of The Wake", c’est s’avancer. Car "Ashes Of The Wake" a bénéficié d’un effet de surprise qui a pris le monde du metal par derrière. Répondant à une demande de grosse claque dans la tronche, Sacrement ne partait pas à armes égales avec son prédécesseur.

Pierre

Lamb Of God - Bio


C’est sous les traits de Burn The Priest que le futur Lamb Of God prend forme dans les clubs de Richmond, en Virginie. Après quelques évolutions de line up, la formation se stabilise autour Randhy Blythe (chant), Mark Morton (guitare), John Campell (basse) et des frères Adler, Chris (batterie) et Willie (guitare). Après une tournée aux Etats-Unis, le groupe change de nom pour Lamb Of God et signe sur le label Prostehtic Records. "New American Gospel" sort en septembre 2000, un mélange de trash, de metal, et de structures alambiquées qui parque un public grandissant. Deux ans de tournée et le quintet s’enferme de nouveau pour donner naissance à "As The Palaces Burn". Alors que le Néo metal tombe en lambeaux, Lamb Of God prodigue un métal intense et agressif dont certains y voient la relève de Pantera. Avec une popularité qui ne cesse de croître, Lamb Of God déménage chez Epic, une major qui saura promouvoir "Ashes Of The Wake", nouvelle galette où le groupe repousse ses limites. La tournée qui suit est un succès, à l’image du passage mémorable au Ozzfest en 2004. La formation en profite pour capter l’énergie de ses concerts via un DVD live : "Killadelphia". La puissance et l’intensité de Lamb Of God ne font pas de détails. Attendus au tournant pour leur prochain album, les américains ne subissent pas la pression et donnent jour à "Sacrament" en août 2006. Les ventes s’envolent et le groupe parcours le monde entier, en première partie de Megadeth notamment. Pour couronner cette tournée plus que réussie, "Walk With Me In Hell", un DVD live, voit le jour en mai 2008 : leur prestation au Download Festival montre encore une fois la solidité et la générosité du combo américain.
Wrath sortira le 23 février 2009, un sixième opus qui ne manquera pas de surprendre les fans.

Pierre

Bleeding Through - Declaration


Une mélopée sinistre et sinueuse retentit puis le théâtre se fait noir : "Tonight we’ll dine in hell !!". Pour les non-aficionados du cinéma testostéronisé, cette réplique passagère dans le panthéon du 7e art n’est autre qu’un extrait de 300, film aussi démonstratif que burné. Bleeding Through met donc l’auditeur en garde, ça risque de bastonner sévère. C’est gros comme une maison que la rythmique typée black-métal de Declaration débarque dans nos oreilles. Les cris répondent aux riffs accrocheurs, sur fond de violons samplés assez dispensables. Mais que voulez-vous, c’est le style qui veut ça. Car prêchant le metal-core dans tous les non-sens du terme, Bleeding Through pioche de tous les côtés pour finalement proposer des titres qui donnent plus dans la démonstration de force que dans la réelle volonté de marquer les esprits par une véritable originalité. Non, les Américains foncent dans le tas, et ce pendant deux titres qui laissent l’auditeur un peu pantois. Ça frappe fort, très fort, le tout emballé par une production remplissant le cahier des charge actuel : clair, net et précis. Mais quand le groupe donne dans le sirupeux ("There was a flood", "Sister Charlatan"), l’attention décline. Parce qu’interpréter ce qui reste comme un metal mélodique avec une batterie mixée en mode "blast beat", on ne peut s’empêcher de sourire. Un anachronisme qui ne fait heureusement pas loi tout le long de l’album. "French Inquisition", "Death Anxiety" proposent un panel assommant de riffs spartiates alors que le chant typé hardcore fait des merveilles. Toujours discutables, les fonds de clavier ne sont pas d’un intérêt probant face à un duo de guitare qui parvient à installer des ambiances à lui seul. L’intérêt de cet album résidant encore une fois dans la capacité étonnante du groupe à proposer un aperçu de ce qui se fait un peu partout dans le monde "metal", reste cette sale impression que le groupe fait du "par cœur", une copie propre certes mais trop propre. Bleeding Through enfonce des portes ouvertes en s’essayant, avec courage néanmoins, à un style vu et revu. Avec les compteurs de surprises près des pâquerettes, on se surprend tout de même à réécouter cet album qui, bien qu’inoffensif, développe une puissance catchy qui peut faire son petit effet.

Pierre

Abysse - Le vide est forme

Abysse c’est quatre têtes pensantes et un metal de haut vol, lunaire et instrumental. Des débuts en 2006 avec un huit titres, Eight Hours Before Dawn, première étape d’un apprentissage qui continuera sur De Profondeur En Immersion, un 6 titres qui leur vaudra un passage aux Karma Studios pour l’enregistrement. Poursuivant dans les extrêmes topologiques, c’est cette fois aux Dome Studios que le quatuor pose des ses instruments pour un nouvel enregistrement au format particulier : 2 titres de plus de 10 minutes chacun. Les compositions mûrissent et c’est tout naturellement que le groupe accompagne des groupes comme One Way Mirror ou Klone.

Avec un format aussi particulier que deux titres de plus de dix minutes, Abysse s’attaque à un public trié sur le volet, patient et envieux d’ambiances explosives. Et quand on est confronté à un OSNI (Objet Sonore Non Identifié), autant prendre son temps pour appréhender la bête. Les climats, les ambiances, ça s’installe progressivement, ça se prépare avec patiente, pour qu’une fois l’accord joué, tout s’explique, en un rien de temps. Malgré la tâche ardue, Abysse éprouve par son efficacité. Impossible de ne pas rester insensible aux progressions de la deuxième moitié de "Deviance", tant l’intensité qui s’en dégage nous fait rentrer dans un chaos émotif. Par leurs questions-réponses, les deux six-cordes racontent une histoire, dont le zénith accablé sonne le glas de l’auditeur. La fin sonne dans une lourdeur assommante, laissant l’imagination gambader vers courbes infinies de mélancolie. Le titre "Deviance" prend alors tout son sens, bande son d’une descente aux enfers et de vains combats. Un voyage auquel "One Last Breath" donne une suite maniée avec maturité. On a changé de chambre, mais on reste dans la même maison. Le tempo est sensiblement le même, à la différence de l’intensité prodiguée par le quatuor : "One Last Breath" reprend "Deviance" là où elle a finit, pour porter l’auditeur encore plus loin dans son expédition. La gravité des progressions d’accords est poussée plus loin encore et on a vraiment l’impression d’écouter la bande son de l’Apocalypse. On sent la fin inexorable, inévitable, et pourtant on fonce pour découvrir encore de nouvelles contrées, toutes aussi étonnantes les unes que les autres. Les arpèges du milieu de "One Last Breath" sont salutaires pour qui veut reprendre son souffle. Mais pas trop longtemps. La batterie reprend un tempo proche du doom, puisant dans des ressources nouvelles pour continuer la marche.
Abysse réussit là où beaucoup de jeunes pousses échouent : on voyage. Après coup, le format du EP prend tout son sens et la musique d’Abysse n’aurait pas pu trouver meilleur vecteur. Le vide est forme est plus qu’un simple CD, c’est un livre ouvert.

Pierre