26 septembre 2008

Octavarium 2005


6 titres sur Six Degrees Of Inner Turbulence, 7 sur Train Of Thought, Octavarium prend la suite logique avec 8 titres et un nouveau concept. L’artwork en dit déjà long sur les idées développées pour ce nouvel opus : les titres tourneront autour de l’idée que tout ce répète, dans un cycle sans fin qui lie chacun des éléments de la vie. Et pour coller avec ce concept, "The Root Of All Evil" débute sur la même note que celle sur laquelle finissait "In The Name Of God" sur le précédent album. Les rythmes de l’introduction sont d’ailleurs un rappel à peine voilé des rythmes de "This Dying Soul". Tout est lié. Après une tournée avec Yes, vestige de la glorieuse époque du prog, on pouvait légitimement s’attendre à un "retour" au prog que le groupe avait délaissé pour donner dans le métal primaire et démonstratif. Et bien non, le groupe ne se (re)tourne pas vers un style purement prog et s’octroie même un début d’album popisant avec "The Answer Lies Within". Ça reste désespérément fade, on frôle l’ennui mortel. Heureusement John Petrucci nous sort la boîte à riffs pour "These Walls", justement un mur de son et un déluge de notes comme on aurait pu en trouver sur "Train Of Thought". Le guitariste va chercher du La sur sa sept cordes pour un ternaire fragmenté, à la fois planant et abrasif. Redescente de tension avec "I Walk Beside You" où les travers de "The Answer Lies Within" se répètent, là on touche carrément l’ennuyeux et le dispensable. À trop vouloir jouer avec le concept de répétition perpétuelle, le groupe se prend les pieds dans le tapis. Cette première partie ne propose pas grand-chose de novateur, si ce n’est des ballades mièvres, relevées cependant par un "These Walls" plutôt convaincant. Certes mais Dream Theater reste Dream Theater, et la suite de l’album n’est qu’un florilège de ce que le groupe a pu proposer de mieux au cours de ses 20 ans de carrière. La maturité des compositions n’est aucunement source de débat, c’est un fait : Octavarium délivre un des messages des plus concis et expressif, malgré une première partie faible.
La basse vrombissante de "Panic Attack" remet les choses en place, on retrouve un groupe sur les rails et prêt à en découdre. La production aux petits oignons met en valeur chaque instrument de manière claire, même si les riffs gras de Petrucci ont la part belle sur ce titre. Gagnant progressivement en intensité, le groupe nous mène sans difficulté vers un passage instrumental démontrant brillamment comment binaire et ternaire peuvent cohabiter (juste une question de mesures). Le final est à l’image de ce passage, prenant et hypnotique, concluant intensément plus de 8 minutes de musique. "Never Enough", où l’influence de Muse est facilement identifiable, n’est en pas pour autant une pâle copie de que peut écrire le trio anglais. Difficile d’imaginer comment il pourrait créer cette ambiance lunaire que Jordan Rudess et Jonh Petrucci créent à eux seuls sur le pont. La sortie de cet unisson est une envolée tout en delay, sacrément réussie. "Sacrified Sons", à défaut d’être un titre intéressant par son contenu, demeure un prélude de qualité pour ce qui restera comme LE titre de Dream Theater, de l’aveu même de son batteur, j’ai nommé "Octavarium". 25 minutes, 5 parties et une pure progression qui fait monter la pression jusqu’à une apogée forte en décibels. Tous les éléments du métal-prog américain sont présents : orchestrations symphoniques, ballade mineure, instrumentations complexes et enfin des paroles qui résument à elles seuls l’intelligence du concept de l’album. Une merveille.
Si le groupe s’était affranchi de ses pérégrinations pop, cet album aurait certainement gagné en homogénéité. Qu’importe, la chanson titre ainsi que quelques titres plus que convaincants font le nécessaire, pour un album qui restera comme l’un des plus aboutis à ce jour.

Pierre

24 septembre 2008

Train Of Thought 2003


S’il fallait résumer "Train Of Thought" en une expression, ce serait sûrement "Bidibim". Comprendre que cet album est résolument heavy-métal et que la tournée qui suit verra les premiers pogos dans un public de fans statique la plupart du temps. Après avoir donné dans le concept album, deux fois, le groupe couche sur papier un album qui résume l’énergie des shows donnés maintenant à travers le monde. Le résultat, 7 titres punchy et définitivement heavy. Si Wagner était encore de ce monde, il aurait adoré "Train Of Thought", conjugaison ingénieuse de progression d’accords originaires de la musique classique et riffs tranchants observants les codes informels du heavy-métal. En d’autres termes, ça bastonne intelligemment. Trois semaines de composition, deux mois d’enregistrement et voilà ce condensé d’énergie sur les platines. Cherchant inlassablement à surprendre leurs fans, les américains ont mit le doigt sur un côté heavy qui n’avait encore pas eu d’expression digne de ce nom. Ici, de la première note à la dernière, on explore à grands coups de palm mute un univers sombre, servi par la puissance de titres massifs, tant en longueur qu’en informations contenues.
L’intensité d’ "As I Am" introduit parfaitement l’album, harmoniques fuzzées en tête, un peu à la manière de "The Glass Prison". John Petrucci sort la mitrailleuse à riffs sur "This Dying Soul", se mettant volontairement en retrait lors du développement au profit de la voix de James Labrie, toujours aussi convaincante au milieu de la forêt de riffs tous plus gras les uns que les autres. La suite du titre est pesante, épique, technique, furieusement efficace. L’influence de Metallica est à peine voilée, dans le format de type Master Of Puppets d’abord, sur l’inspiration des riffs ensuite. Côté virtuosité, "Train Of Thought" est une vraie démonstration. Jordan Rudess aux claviers, Mike Portnoy derrière les fûts et John Petrucci à la six cordes s’en donnent à cœur joie. Syndrome de la branlette de manche ? Peut-être, mais dans l’objectif du groupe d’en mettre plein les oreilles, c’est légitime. "Endless Sacrifice" et "Honor Thy Father" continuent sur cette lancée dans un enchaînement époustouflant, avant que la gravité de ”Vacant”, interlude servi par un violoncelle sombre et un James Labrie poignant. "Stream Of Consciousness", instrumental de 11 minutes, aurait pu être la transposition métal d’une suite symphonique, tant la progression du titre fait penser aux codes de la musique classique, influence avouée par le groupe. "In The Name Of God" met un point final dantesque à cet album, zénith épique et lyrique d’un ensemble plus qu’efficace.
Beaucoup de fans actuels de Dream Theater, votre serviteur y compris, sont venus à découvrir ce groupe par cet album. Même s’il ne résume pas la complexité et le côté prog des précédents albums, Train Of Thought est LA cartouche de la discographie de Dream Theater, 7 titres qui scient en deux et vous laissent pantois.

Pierre

Six Degrees Of Inner Turbulence 2002


Deux CD en un, une piste de plus de 40 minutes, une production digne d’Hollywood… Dream Theater c’est un peu les Jeux Olympiques en musique : toujours plus haut, toujours plus fort. Après un album concept plus que réussi, la confiance est du côté des américains. Et même si la force est avec eux, c’est le côté obscur qui prend le dessus pour le premier CD. "The Glass Prison" en guise d’amuse bouche, ça bastonne sévèrement : intro mystérieuse, arpèges de basse et arrivée magistrale d’un couple guitare-batterie pour des accords qui donnent le ton, ça va cogner tout du long. Presque 14 minutes d’un déluge de sextolets à 220 BPM, de riffs dignes de Pantera, le tout mettant en valeur les textes de Mike Portnoy sur son alcoolisme. Après ça, dur de continuer, et on s’arrêterait bien là tant le premier quart d’heure est riche et complet. Mais non, le groupe en remet une couche avec quatre autres titres bien ficelés, dont un magnifique "Misunderstood" tout en retenue et "The Great Debate", qui aborde la question du clonage thérapeutique (cultivés les bougres !). Premier CD, premier triomphe. Un bloc massif sur lequel l’érosion du temps ne fera pas effet : ils sont toujours présents dans les set lists du groupe.
La deuxième partie n’est en réalité qu’une et une seule piste, découpée en 8 épisodes. Et là, c’est le drame. Non pas que les 42 minutes de "Six Degrees Of Inner Turbulence", la chanson titre, soient dénuées d’intérêt, mais il faut user de toute son abnégation pour ne pas appuyer su la touche suivant de la chaîne-hifi. L’intro orchestrale est un prélude à un "About A Crash" dont la légèreté passe sans obstacle. De même pour le tonitruant "War Inside My Head", instantané à la fois heavy et direct. Technique quand tu nous tiens, "The Test That Stumped Them All" sort les mesures de 7/4 et les démonstrations de virtuosité. Jusque-là, les trois premiers épisodes de "Six Degrees Of Inner Turbulence" sont convaincants. Les choses se gâtent avec "Goodnoght Kiss" et "Solitary Shell" : ça paraît trop facile, un peu nian-nian. Cela fait partie du style de Dream Theater, mais on est pas obligé d’adhérer. En l’occurrence, le côté pop catchy n’est rien face aux productions métal du groupe. Du coup, même si John Petrucci remet la grosse distorsion en route pour "About A Crash (reprise)", qui reprend certains éléments de l’introduction orchestrale et du premier "About A Crash", on reste sur sa faim.
Pour l’anecdote, le groupe voulait se tourner vers la world music pour cet album. Mais un concert de Pantera est passé par là. Salutaire, cette intervention divine, d’autant que le groupe ne cessera d’affiner le son du prog-métal. Malgré tout, ce double album ne tient pas la comparaison avec Scenes From A Memory, si toutefois il est pertinent de comparer les deux albums.

Pierre

22 septembre 2008

Metropolis Part 2 : Scenes From A Memory 1999

13 ans après leurs débuts, les américains de Dream Theater abordent l’enregistrement de Scenes From A Memory plus motivés que jamais. Leur dernier album ayant fait un flop relatif chez leurs fans de toujours, ils mettent tout en œuvre pour réaliser une pièce unique, insistant sur tous les poins pour obtenir un résultat proche de la perfection. Le point de départ des séances d’écriture n’est autre que le génial Metropolis part 1, présent sur Images & Words et composé à l’époque sans même penser à une deuxième partie (le "part 1" ayant apparemment été ajouté comme une plaisanterie). En prenant un titre plus que réussit comme base, le groupe prenait déjà les choses par la face nord, mais en ajoutant l’idée d’un concept album, le challenge était encore plus ambitieux. Au programme, neuf scènes et deux actes, narrant musicalement l’histoire de Nicholas, dont les cauchemars le hantent nuit après nuit.
L’album s’ouvre sur "Regression", un plongeon dans l’inconscient de Nicholas, qui cherche à chasser ses démons par l’hypnose. Les 12 pistes de l’album sont autant d’épisodes dans l’exploration de son subconscient et on comprend au fur et à mesure, paroles à la main, que l’intéressé est la réincarnation d’une certaine Victoria, l’objet de ses cauchemars, victime en 1928 (d’où le titre "Ouverture 1928") d’un meurtre, conséquence funeste d’un combat fratricide pour son amour. Version raccourcie du concept de l’album certes, mais l’essentiel est là. Le développement de cette histoire en musique est une franche réussite, et l’on se prend au jeu de lire les paroles avec avidité, pour en savoir davantage sur l’avancée de « l’enquête ». Musicalement parlant, cet album reflète enfin le véritable potentiel de composition du quintet d’outre-atlantique. Chaque titre ou presque possède sa référence à Metropolis part 1, un phrasé, une rythmique, un unisson mélodique… "Strange Déjà Vu" met déjà la barre très haut, et la production met parfaitement en valeur chaque musicien. Recruté il y a peu pour prendre la suite de Derek Sherinian, Jordan Rudess complète un line up qui reste le même aujourd'hui. En retrait la plupart du temps par rapport à la guitare, le claviériste sait quand même se montrer et apporter ce qu’il faut d’ambiance et d’harmonie, notamment avec l’utilisation d’un vrai piano et pas de samples cheap qu’on croirait tout droit sortis de Mario Bros. "Fatal Tragedy" traduit à cet effet la complicité naissante entre les touches et les cordes en actes : tout en harmonie, cette envolée à la fois lyrique et funeste est un petit chef d’œuvre à elle seule. Dream Theater sans technique ne serait pas Dream Theater. De ce côté-là, le contentement est total, là où les passages techniques s’intègrent parfaitement au reste du titre, porgressant à grands coups de shred et autres dialogues entre piano et guitare, vers une fin que l’on trouve toujours trop rapide. "Beyond This Life", à coup sûr l’un des titres les plus rentre-dedans de la discographie du groupe, applique les théories de la dissonance avec brio, tout en exploitant ce côté heavy jusque-là légèrement en retrait. "Through Her Eyes" marque une pause méritée, bien que le titre soit nettement en dessous du niveau du reste de l’album. Malgré tout indispensable au développement de l’intrigue, il introduit le mélancolique "Home".
Épisode tragique de l’histoire, en l’occurrence le départ de Victoria des bras se son fiancé pour aller se plonger dans des draps de son frère, "Home" est du long de ses 12 minutes un panel épatant de tous les talents du groupe : hypnotique et inquiétant au début, heavy par la suite, mélodique et enfin technique pour finir sur des cris érotiques évoquant la décision de Victoria de rejoindre le frère d’un individu rongé par ses addictions. Clairement technique, "The Dance Of Eternity" n’est en fait qu’un hommage caché à tout ce qu’un Frank Zappa a pu apporter à la musique avec ses arrangements toujours innovants. "One Last Time" et le tubesque "The Spririt Carries On" sont l’expression pure de la tragédie dont Victoria a été victime : jaloux de son frère vers qui elle s’est finalement tournée, il tuera l’amour de sa vie, avant de se donner la mort. "Finally Free" met fin à la séance d’hypnose dans un enchaînement d’accords mineurs. Des coups de feu retentissent : l’hypnothérapeute, réincarnation du frère assassiné, prend sa revenge.
Une histoire bien ficelée, des compositions qui tiennent sur pied, Scenes From A Memory est la consécration qu’attendait le groupe depuis Images & Words. C’est aussi un nouveau départ pour le quintet américain, désormais en marche vers un succès chaque fois plus grand.

À Aurélie.

Pierre

Falling Into Infinity 1997


Si Falling Into Infinity était un blockbuster, ce serait une suite un peu bancale, largement inférieure au premier épisode. Si Falling Into Infinity était une nouvelle recette, elle manquerait certainement de piment. Falling Into Infinity n’est ni l’un ni l’autre, ce n’est autre que le 4e album studio de Dream Theater, après un EP plus que convainquant. Mais voilà, même quand les Américains font un album largement en dessous de ce qu’ils ont fait précédemment, ce n’est qu’une rature sue une copie de bon élève. Malgré tout, l’album comporte ses atouts, sa légèreté, son côté accessible, mettant l’appui sur les pans mélodiques du quintet. À proprement parlé, cet album reflète une période ou le groupe est fragile, moins apte à résister aux pressions de sa maison de disque.
À grands coups de réécriture, les portes se ferment progressivement pour le groupe, qui souhaitait à l’origine donner naissance à un double cd. Hollow Years, une ballade mélancolique parfaite pour rameuter les foules, est un choix commercial qui résume bien l’esprit de Falling Into Infinity. Malgré la pauvreté relative des compositions, un mauvais album de Dream Theater reste un bon album. Il faut ainsi rendre justice à Peruvians Skies, où la portée transpire Pink Floyd. L’efficacité de Burning My Soul s’oppose aux longueurs de Trial Of Tears, qui manque cruellement de cohérence et de surprises. Bien que désormais membre officiel de Dream Theater, Derek Sherinian fait pâle figure face au lyrisme de son prédécesseur, malgré quelques passages d’une étonnante intelligence. Le jazz fait son apparition par quelques accords complexes, relevant un peu le niveau sur certains passages.
Malgré son apparente simplicité, Falling Into Infinity n’est pas un album accessible, en tout cas par pour les fans de Images & Words ou encore du sombre Awake. Le premier contact est décevant, et il faut se forcer à baisser son niveau d’exigence pour apprécier cet album. La déconvenue des fans à l’époque ne fera que révéler les difficultés du groupe. Encore une fois la surprise est au rendez-vous, mais cette fois la chute est rude. Mike Portnoy reconnaît lui-même la faiblesse de ce quatrième effort, et les tensions au sein du groupe manqueront presque de mettre fin à la carrière du groupe. À la suite de quoi ce fut le grand nettoyage de printemps : exit Sherinian, et dorénavant les albums du groupe seront enregistrés par le groupe lui-même, pour préserver une authenticité trop souvent corrompue. Le groupe claque la porte d’Eastwest Records pour rentrer dans la famille Elektra. Et tonton Portnoy de poser ses conditions à la signature du contrat : les prochains albums ne seront présentés aux producteurs qu’en fin d’enregistrement. Une demande à laquelle Elektra Records accède, sentant que Dream Theater nécessitait un peu d’air pour être Dream Theater.


Pierre

19 septembre 2008

A Change Of Seasons 1995

Rejeton de la phase d’écriture d’Images & Words, A Change Of Seasons est un peu l’arbre au milieu de la forêt, le seul EP de la discographie de Dream Theater. Pour la petite histoire, c’est sous la pression des fans que le groupe a pris le chemin des studios pour enregistrer ce titre long de 23 minutes qui a déjà eu une vie en live, le groupe ne se privant pas de jouer cette suite jusque là orpheline de version studio. Si l’EP met aussi à l’honneur les influences du groupe, les reprises live sont clairement dispensables quand il s’agit de digérer plus de 20 minutes de prog-métal, un peu moins pour ce qui est de constater que John Petrucci n’aura jamais le feeling de Brian May à la six cordes, mais ceci est une autre histoire.
Abordant le décès de la mère de Mike Portnoy, A Change Of Seasons est inévitablement une progression sombre, bien que quelques structures majeures pointent leur nez à de rares moments. À l’image de la trilogie A Mind Beside Itself présente sur Awake, les 23 minutes de A Change Of Seasons sont en fait une succession de 7 parties, pour la plupart instrumentales. Pour l’époque, c’est tout nouveau. Encore une fois le groupe surprend ses fans et la réponse se fait immédiate. Ils aiment tellement qu’ils le font savoir au label de l’époque, EastWest Records, qui cède sous la pression conjuguée d’un Portnoy remonté comme un coucou et de fans toujours aussi fidèles : le titre aura sa trace discographique. C’est donc sans surprise que les amateurs du groupe pionnier du prog-métal placent A Change Of Seansons sur le podium de leurs titres préférés. À raison pour un titre qui laisse le champ libre à tous les fantasmes musicaux du groupe, qui s’en donne évidemment à cœur joie. À tort néanmoins car à force de partir dans tous les sens, l’auditeur se prend un peu les pieds dans le tapis : passées 15 minutes, difficile de trouver un lien avec les arpèges du début. Qu’importe, le voyage est distrayant et ne tombe pas dans le travers techniciste à tous les coins de mesure. Incorporé encore il y a peu aux set lists live (voir le medley présent sur Live At Budokan), A Change Of Seasons est une première en terme de longueur, mais comparé à Octavarium, à la fois l’aîné de deux minutes et de 10 ans du titre éponyme de l’EP, il ne fait pas le poids. Entre temps, le groupe aura su affiner son propre son et progressé dans l’agencement de compositions longues. Néanmoins, A Change Of Seasons prouve à l’époque que le groupe ose prendre des risques, loin des formats classiques du métal. Malheureusement, cela ne va pas durer.

Pierre

11 septembre 2008

Awake 1994

Après les 350 000 copies d’Images & Words vendues à travers le monde, Dream Theater entre en studio en 1994 avec quelques kilos de pression sur les épaules. Car les fans peuvent autant faire vivre groupes qu’y mettre un terme. Le groupe brave l’épreuve et garde son intégrité en sortant en octobre de la même année un album tout à fait différent de son prédécesseur, moins technique et plus sombre.
Réveil matinal avec 6 : 00, sa descente de toms et une polyrythmie aux claviers. Tout de suite la voix de James Labrie chatouille l’oreille : le style propre d’Images & Words est enterré et le canadien s’offre des lignes de chant plus énervées. Si cet album sonne plus sombre et plus « in your face », l’apparition d’une Ibanez 7 cordes dans les mains de John Petrucci en est en partie responsable. « Caught in a web » est ainsi une ode aux riffs profonds, alors que James Labrie continue d’aborder un style rugueux. « Innocence faded » marque un retour à plus de douceur, doublée d’une mélancolie prenante. Être l’inventeur du prog’ métal n’empêche pas d’aborder des styles plus accessibles, et le groupe ne s’en prive pas. À chaque album sa ballade ou son titre accrocheur, et les compositeurs voient cela comme un pan assumé de leurs compositions. Titre accrocheur certes, mais pas dépourvu de technicité et de surprises. « A mind beside itself » est un des piliers de cet album. Titre tripartite comptant notamment l’instrumental Erotomia, véritable démonstration de l’utilisation possible des chromatismes ascendants et descendants, cette suite se poursuit et se termine sur une pente descendante jusqu’au duo guitare acoustique / chant de « Silent Man ». Même si l’on n’est pas sur le même plan que le génial « Metropolis part 1 », cette progression n’est en pas pour autant dénuée d’intérêt. Cette première demeure néanmoins un cran en dessous de la suite de l’album.
The Miror remet le groupe sur les rails des riffs assassins, sur fond d’ambiance glauque servie par des orgues dissonants. Considéré par les fans comme pour prologue de la série des AA, qui aborde les problèmes d’alcool de Mike Portnoy, c’est une véritable démonstration pour ce qui est des renversements de pulsation. Les aspects complexes et techniques sont relégués au second plan, mettant la plupart des titres accessibles aux premières écoutes, même si certaines références cachées au sein des titres demandent une attention particulière. Ainsi la suite d’accords de « Space Dye Vest » est introduite dans le corps de « The Mirror ». « Lie » continue sur un pur style heavy, un titre dont le clip permettra au groupe d’atteindre les grands médias musicaux, MTV en tête.
Ambiant et minimaliste, « Liffting Shadows Off A Dream » marque une pause dans cette seconde partie intense en tout point. Guitare proche de U2, accords tantôt mineurs, tantôt faussement majeurs, il met en retrait les claviers, créant ainsi un des titres les plus intéressants de ce 3e album. « Scarred » et son introduction jazzy dépasse de loin les dix minutes, se démarquant du reste de l’album. Malgré cela, quelques longueurs font de ce titre une composition mineure, bien qu’ayant totalement sa place parmi les autres titres. « Space Dye Vest » clos magistralement Awake, exprimant toute l’ombre présente au long des dix précédents titres par une suite d’accords sensibles. La gravité et la tension de cette composition sont à l’image de l’état d’esprit du claviériste à ce moment de la carrière du groupe. En désaccord, il le quittera peu de temps après la sortie de l’album, marquant ainsi un nouveau coup d’arrêt pour le groupe. Appelé pour assuré les claviers pendant la tournée, Derek Sherinian fera son possible pour remplacer un membre encore aujourd’hui regretté par les fans.

Pierre

08 septembre 2008

Images & Words (1992)

3 ans ont passé depuis When Dream And Day Unite, période pour le moins difficile pour le groupe, réduit à quatre après le départ de Charlie Dominici. Les auditions pour un nouveau porte-voix se succèdent et le poste est pourvu tour à tour à plusieurs chanteurs qui ne feront pas l’affaire. Désespoir de courte durée quand une cassette de Kevin James Labrie parvient jusqu’aux oreilles du groupe. Sa voix colle parfaitement à ce que le groupe, qui a accumulé les petits boulots et les compositions instrumentales, recherchait depuis le départ de Dominici. Embrayage rapide sur l’enregistrement d’Images & Words, considéré encore aujourd’hui comme un monument dans une discographie pourtant de qualité. Désormais chez ATCO Records, qui plus tard deviendra Atlantic Records, le groupe envisage l’enregistrement sous de bons auspices, mettant en boîte des titres qui datent pour certains datent de la période sombre qu’a vécu le groupe avant l’arrivée de James Labrie. Le disque débute sur "Pull Me Under", une cartouche à la fois heavy et catchy (le refrain particulièrement), savant mélange qui va propulser le groupe, via MTV et les ondes radiophoniques, dans une autre dimension. Cet album imparable donne au groupe une "fanbase" solide qui le suivra jusqu’à aujourd’hui. "Another Day", ballade qui aurait pu faire figure de single, témoigne du talent du groupe lorsqu’il n’est pas forcément question de compositions déstructurées et de riffs cinglants. "Take The Time" prend la suite sur un mélange de rock funky et abrasif. Encore aujourd’hui un des titres incontournables du groupe en live, il livre une dose intense de technicité, notamment sur la partie instrumentale au milieu du morceau, avec un refrain imparable qui donne une autre ampleur aux compositions du groupe. Depuis When Day And Dream Unite, on sent que le groupe s’est affiné, pour un résultat plus que détonnant. Le génial "Mertopolis Part 1" maintient la barre haute, un brûlot de plus de 9 minutes tout en progression avec une partie instrumentale encore une fois démentielle. Le discret Jonh Myung s’y exprime largement, tout comme ses autres compères instrumentistes au talent non démenti. Certes la production, bien que meilleure comparée à celle du précédent album, reste datée, mais les compositions ne s’en ressentent plus. Les performances de James Labrie confortent le choix du canadien au poste de chanteur, d’un apport largement supérieur par rapport à son prédécesseur. Les claviers ont toujours cet aspect un peu étonnant, mais la complémentarité avec la six-cordes de Jonh Petrucci est renforcée, à l’image des nombreux dialogues entre les deux solistes. "Wait For Sleep" donne un peu de douceur à cet album brut, dont "Under A Glass Moon" poursuit l’inévitable avancée. "Learning To Live", qui donne une réponse progressive à souhait à "Wait For Sleep", reprend le thème de ce dernier avec des solos de clavier dispensables malgré tout et un chant toujours aussi à la hauteur. La fin de ce titre est particulièrement prenante, là où certains passages instrumentaux demande un surplus d’attention pour en apprécier tous les traits.
Succès en poche, le groupe voit ses horizons s’élargir et voyage jusqu’au Japon où des salles entières reprennent "Pull Me Under à l’unisson. Définitivement un tournant pour les musiciens américains, Images & Words sonne comme un mélange parfait entre mélodies entraînantes, lourdeur heavy-metal et progressions dignes de Yes ou Pink Floyd.

Pierre

When Dream And Day Unite (1989)

When Dream And Day Unite marque l’entrée en matière de Majesty, renommé Dream Theater pour des raisons légales, dans la cour des grands. Un premier album naturellement important pour le jeune quintet qui offre sans complexe un mélange novateur de heavy metal ("A Fortune In Lies") et de technique. Dépassant largement le cadre des traditionnelles 3 minutes 30, les 8 titres de l’album offrent un aperçu du potentiel d’écriture du groupe. À ce titre, "The Ytse Jam", Majesty à l’envers, se révèle être une des compositions majeures de ce premier jet, pleine de rebondissements sonores et d’escapades hors des sentiers battus. Mike Portnoy et John Petrucci, respectivement adeptes du caleçon long et de la chemise ouverte style « rital », sont particulièrement démonstratifs quant à leurs capacités techniques. Et c’est tout le reste du groupe qui suit. La production, datée, porte préjudice à des compositions qui sont pourtant intelligemment agencées. Parfois dignes d’une juxtaposition d’éléments n’ayant rien à voir entre eux ("Status Seeker"), elles restent néanmoins intéressantes. La voix de Charlie Dominici, pour qui cet album sera le seul avec Dream Theater, reste dans les codes de l’époque, claire et aiguë. Les envolées vocales à la Bruce Dickinson, un style de chant recherché par John Petrucci et Mike Portnoy, collent plutôt bien avec les instrumentations sans donner ce « plus » qu’on serait en droit d’attendre. Clairement dispensable, il laissera d’ailleurs sa place peu de temps après la sortie de l’album. Particularité du « son » Dream Theater, les claviers de Kevin Moore sont d’un apport indiscutable pour ce qui est des rythmiques, les solos cheap restant assez pénibles à l’écoute malgré d’évidentes qualités d’improvisation.
Une production datée, un mixage déploré par le groupe lui-même, When Dream And Day Unite reste néanmoins un avant-goût intéressant, sans toutefois être un album incontournable. Premier et dernier album sous l’égide de Mechanic Records, il est toutefois celui qui précise le style d’un groupe définitivement novateur pour l’époque, entre technique et puissance.

Pierre

Dream Theater - Bio

1985, Jonh Petrucci et Jonh Myung quittent Long Island pour intégrer Berklee Music College à Boston, célèbre institution musicale dédiée au jazz. À 18 ans, fans de heavy metal, ils se démarquent de la majorité des étudiants, cheveux courts et fans de jazz. La rencontre avec Mike Portnoy, lui aussi originaire de Long Island, scelle le projet des deux John de monter un groupe ensemble. Les trois instrumentistes sont déjà des techniciens et en jammant quotidiennement, ils précisent le futur style de Dream Theater. Entourés de Kevin Moore aux claviers et de Charlie Dominici au chant, ils enregistrent When Dream and Day Unite en 1989, un album qui reste assez inaperçu malgré l’intérêt de la presse spécialisée pour ce quintet conjuguant technique et heavy metal. Quittant le groupe d’un commun accord avec ses membres, Charlie Dominici laisse le groupe sans porte-voix. Continuant à répéter aussi régulièrement que possible, ils traversent néanmoins l’un des périodes les plus difficiles de leur courte carrière. James Labrie va mettre un terme à cette période en apportant son timbre de voix à l’enregistrement d’Images & Words, en 1992. Le succès commercial de cet album propulse le groupe sur les ondes radiophoniques, et leurs horizons de tournée s’élargissent jusqu’au pays du soleil levant. Un succès qui, bien que considéré comme un accident par les maisons de disques, crée une attente chez les fans de ce nouveau groupe. Conscient de ces attentes, le groupe enregistre Awake en 1994, plus heavy que son prédécesseur. Le succès honorable de cet album est néanmoins occulté par le départ de Kevin Moore de son poste de claviériste. La carrière du groupe connaît un nouveau coup d’arrêt, même si Derek Sherinian prend la suite, un temps comme musicien de session, avant de rejoindre définitivement la formation avec l’enregistrement d’A Change Of Seasons en 1995. Cet album constitué d’un titre épique de 23 minutes, considéré par de nombreux fans comme une des pièces maîtresses de la discographie du groupe, rend aussi hommage à des groupes comme Led Zepplin à travers des reprises. Les soucis du groupe ne s’en terminent pas pour autant. Falling Into Infinity, sorti en 1997, marque l’influence d’Atlantic Records, leur label de l’époque, sur les directions artistiques. Plus catchy, pop, l’album déçoit chez une large partie des fans. Le manque de liberté exacerbe les tensions au sein du groupe, et Mike Portnoy manque de mettre un terme à la formation. Remercié, Derek Sherinian laisse sa place à Jordan Rudess, dont la virtuosité avait déjà opéré dans Liquid Tension Experiment, qui réunissait déjà John Petrucci, Mike Portnoy et Tony Levin.
Conscient du moment crucial que constitue l’enregistrement du prochain album, Mike Portnoy s’engage dans la voie périlleuse du concept album. Avec John Petrucci, ils donnent une suite à "Metropolis part 1", présent sur Images & Words, autour d’une histoire de meurtre irrésolu et de réincarnation. Les efforts du quintet sont récompensés et la tournée qui suit la parution de Scenes From A Memory est un succès, couronné par la parution d’un triple cd live et d’un DVD live (VHS à l’époque). Poussant l’utilisation du concept plus loin, Dream Theater innove en 2002 en sortant un double album. Entre rythmiques heavy et orchestrations techniques, le groupe propose deux pans de sa personnalité, métal d’un côté et progressif de l’autre. Choisissant le côté obscur, le quintet donne naissance en 2003 à Train Of Thought, la pièce la plus heavy de leur discographie. Instantané live de 3 heure, le DVD marquant le passage du groupe dans le célèbre Budokan rend compte du succès grandissant du groupe dans le monde entier. Pièce presque antithétique par rapport à Train Of Thought, Octavarium marque un retour au pur style progressif, avec cette fois des touches pop totalement assumées. Concept album autour des chiffres, Octavarium est sacré disque d’or. Là encore un DVD live vient donner le ton de la tournée. Innovation cette fois avec un concert exceptionnel marquant les 20 ans du groupe, avec la présence remarquée d’un orchestre symphonique sur scène.
Dernier album en date, Systematic Chaos exploite autant les côtés heavy et progressifs du groupe, entre ballade nostalgique et riffs cinglants. 2008 symbolise l’avènement d’un groupe toujours aussi proche de ses fans, avec la parution d’un best-of avec notamment des versions remasterisées d’anciens titres d’Images & Words, et d’un nouveau DVD live, parcourant la tournée de Systematic Chaos au travers de 6 concerts différents.

Pierre