05 juin 2008

Rage Against The Machine @ Bercy

Sur le parvis du Palais Omnisport de Paris Bercy (POPB), on sent la frénésie qui gagne les arrivants successifs. Ou comment 17 500 personnes qui n’ont a priori pas grand chose en commun se rassemblent en un seul et même endroit pour assister à la grande messe du rock’n’roll. L’attente est grande depuis ce matin là où plus de 10 000 personnes se sont levées pour obtenir le précieux sésame et l’attente devant les grilles se fait longue, surtout pour certains arrivés tôt dans la matinée. L’entrée dans la salle est laborieuse, mais ça y est. L’antre se remplit par vague, jusqu’à ce que les lumières s’éteignent pour laisser entrer Saul Williams sur la scène. Malgré une affluence loin de son zénith, tout le monde se lève, et se rassoit très vite. La musique épileptico-électro de l’américain se heurte à un public amateur de rap et de métal. On rie gentiment sur la tenue du concerné, et on pleure franchement en pensant à Cypress Hill, un temps préféré à Saul Williams pour assurer la première partie. En complet déphasage avec l’audience, le groupe se fait largement siffler, et ceux qui applaudissent le font par unique respect pour l’artiste. 30 minutes qui paraissent le triple, et des sifflements qui inquiètent. Impossible de ne pas repenser à ce concert chaotique de Nirvana, où la première partie, choisie par le groupe, avait été largement huée.
Les lumières se rallument pour montrer une salle presque comble, où la fosse grouille de fans remontés à bloc. L’attente se fait longue, et l’audience s’échauffe, se manifestant entre chaque chanson et espérant ce fameux « noir scène » qu’elle attend depuis des mois maintenant. Depuis les gradins, les regards se posent sur quelques personnalités venues assister au show : dans les gradins, Kemar (No One Is Innocent) attend impatiemment le début du concert comme un fan de la première heure ; au centre de la fosse, installé confortablement, Dj Kilmore (Incubus) fait l’amitié de sa présence à ses potes de scène. Après une heure d’attente, les lumières s’éteignent enfin, c’est l’hystérie. Aux premières notes de « L’internationale », qui prend possession des enceintes pour accompagner la montée des couleurs de Rage Against The Machine, tous les poings se lèvent. Une immense étoile rouge monte progressivement pour finalement occuper tout le fond de scène. Il est là ce moment, cet instant où 17 500 personnes ne font plus qu’un pour accueillir leur groupe. Testify entame les hostilités avec hargne, et c’est tout Bercy qui se met à sauter en rythme, fosse et gradins réunis pour une débauche d’énergie intense. Dans ce mouvement collectif, plusieurs regards se croisent, inquiets par le mouvement du sol : est-ce que ça va tenir ? Car Zack et sa bande se démènent pour faire trembler le sol, et autant dire que le public parisien est réceptif. Suit Bulls On Parade, où l’on commence à réaliser que ce sont bien eux, quelques mètres devant, que ça y est, et qu’il va falloir tout donner. Très tôt Tom Morello ne tient plus en place, sautant sans arrêt, comme dans toutes les vidéos de l’époque. RATM est de retour, avec son énergie caractéristique, et ses défauts, car il y en a. Dans sa fougue de « jeune groupe », le combo fait face à des moments de flottement rythmique assez récurrents. Mais dur de rester là-dessus quand Zack De La Rocha et Tom Morello se plient en deux sur Sleep Now In The Fire, assurément l’un des temps forts du concert, où tout le côté rock’n’roll du groupe prend le dessus et fait se soulever tout Bercy. L’intrusion de Renegades Of Funk dans la setlist est la bonne surprise de la soirée, reprise en choeur et à gorge déployée. Bombtrack, Bullet In Your Head, People Of The Sun, War Within A Breath font la preuve que les automatismes sont encore là, que RATM est présent. Zack fait largement participer le public, notamment sur la fin de Know Your Enemy, où il laisse le micro au public sur « All of which are American dreams ». Un concert aux allures de « Best Of » qui se termine sur le couple Freedom / Killing In The Name, là où la salle donne ce qui lui reste d’énergie en hurlant « Freedom », et « Fuck You I Won’t Do What You Tell Me » avant que Tom Morello ne mettent fin à cette synergie par un dernier accord destructeur.
Certes, des problèmes de son ont parfois gâché la performance dantesque du groupe, privant le public du son de façade et ne laissant que celui des retours. Certes certains « hits » n’ont pas été joués. Certes tout le monde s’accorde à dire que le concert a été court. Mais ce show a fortement marqué, les esprits et les corps. À la sortie, certains finissent la soirée en entonnant l’Internationale, manière de rendre hommage à un groupe politiquement et musicalement emblématique. D’autres, hagards, ont encore du mal à réaliser que, de passage à Paris, RATM a réalisé beaucoup de rêves cette soirée-là.


SETLIST

01 Testify
02 Bulls On Parade
03 People Of The Sun
04 Bombtrack
05 Vietnow
06 Bullet In The Head
07 Know Your Enemy
08 Renegades of Funk
09 Guerrilla Radio
10 Calm Like A Bomb
11 Sleep Now In The Fire
12 Wake Up
13 Freedom
14 Killing In The Name

Pierre

02 juin 2008

Dysfunctional By Choice @ Mondo Bizarro

Reprise de la saison des concerts avec la casquette Wfenec pour un gros morceau de la scène électrique parisienne, Dysfunctional By Choice (Dysby pour les intimes), le tout dans un lieu emblématique, le Mondo Bizarro.

L’affiche indiquait 20h30, c’est donc en pensant être en retard que je me présente à l’entrée du Mondo Bizarro. Raté. À la caisse, les (jolies) demoiselles de Pussykillers, l’association qui organise la soirée, me rassurent : Plëyad ne commence qu’à 21h30, soulagement. Le temps de faire la connaissance de Biquet (manager de Dysby), de boire une bière, de discuter de la Metal Academy et de « pic de promotion », et les rennais de Plëyad investissent les planches devant un public plus que dégarni. Dommage car le quatuor offre un mélange étonnant entre Radiohead et Air qui a son charme. Envolées vocales, percussions en tout genre, bricolages sonores, un mélange intelligent et maîtrisé. Les applaudissements sont épars mais sincères, Plëyad sort de scène après un spectacle sonore de haute volée, chapeau.
Un public plus fourni accompagne la montée sur scène du combo parisien, qui débute son set sur fond de samples hypnotiques avant que la machine se mette en route pour de bon. Riff destructeur, impossible de ne pas hocher de la tête sur les premières mesures. L’efficacité est redoutable, malgré quelques difficultés à percevoir la voix de Julien (chant), qui se perd souvent dans les flots de guitares. Mais qu’importe, le groupe transpire le rock’n’roll et ça fait plaisir à voir. Aucune limite, si ce n’est celle spatiale pour un groupe qu’on imagine volontiers prendre d’assaut des scènes plus imposantes. L’intensité du show va crescendo, et la bougeotte compulsive de Julien (guitare) est un bon exemple, lui qui en fera voir de toutes les couleurs à ses guitares. Les titres s’enchaînent devant un public réceptif bien que peu nombreux, mais qu’importe. Gotham montre que le nouvel album des Dysby est taillé pour le live. De même pour Alert, un concentré d’énergie et de distorsion qui sera l’occasion pour moi de dénicher quelques subtilités guitaristiques qui m’avaient échappé. Savant mélange d’électro, de rock brut et de métal, Dysfuntionnal By Choice prend sa véritable dimension en live. Même si cette escale rennaise est une des premières dates du groupe pour la promotion de son album, on sent que les six ans de pause n’ont pas affecté les automatismes. Aucune conscience du temps, le show semble n’avoir duré que quelques minutes, et pourtant. Fin de concert identique au début, entre samples et larsens. On en veut encore, tant pis.
Les reformations de groupes affluent depuis quelques années (Police, RATM…), pourtant le retour de Dysby sur la scène rock hexagonale fait exception : c’est plein d’humilité et d’envie que le groupe aborde son come-back. Simplicité et esprit rock’n’roll ont toujours fait bon ménage, Dysby en est la preuve.

Set list : Feedback Trou, Gotham, Krisprolls, Sleep & Vizme, Travel Robert, Alert, Rockab, Non Reached, Acid Soap.

Galerie photo

Pierre

Silence Of Decay

Qui a dit que les normands ne savaient pas répondre aux questions de façon tranchée ? Car Silence Of Decay est un gros « oui », une ouverture sans concession au mélange lourd et torturé du hardcore et du metal. Cerebral Crushing est à l’image de ce plongeon dans cet univers, une intro tout en contre-temps, un riff gras à souhait, autant d’arguments qui mettent les choses au point : ce EP sera lourd, puissant et violent. Le growl d’Alex (chant) est à la hauteur, un exercice pas forcément facile vu l’exigence du style. C’est sans compromis que Last Chance prend la suite, où viennent se rencontrer groove rock’n’roll sur le couplet et riff destructeur notamment sur l’intro. Les premières envolées mélodiques apparaissent, montrant encore un autre visage à cet EP décidément riche en surprises. Le niveau d’interprétation est toujours élevé, servi par une production plus que correcte, même si la batterie apparaît un peu en retrait dans le mix. Le down tempo est mis de côté pour un Nervous Time tout en puissance, où le côté mélodique des guitares est mis en avant, notamment sur le refrain. Le reste, c’est du rapide, de l’efficacité à l’état pur. L’originalité des riffs n’est pas ce qui est à rechercher sur ce titre, la puissance du combo se suffit à elle même. Never Agreed, avant-dernière escale, est une ode au headbang, avis aux amateurs. Le mélodique y prend une place plus importante, tout en maîtrise, avant que des rythmes syncopés raccrochent les wagons. Only Words Remains est le titre un peu à part de cet EP, entre nostalgie et riffs hypnotiques. Le chant clair d’Alex montre ici quelques faiblesses, mais on lui pardonne volontiers vu sa présence sur le reste des titres.
5 titres, un EP, et un possible espoir du hardcore français. Pourtant la rage électrique du combo normand souffre du carcan du CD : Silence Of Decay est un EP destiné pleinement au live, et la scène révèlera sans doute toute l’intensité de cette première production.

Pierre