26 juillet 2008

Slihouettes

Qu’on se le dise, le métal a aussi ses intellos. Textures en fait partie. Ils n’ont pas de grosses lunettes et ne ressemblent pas à un tableau de bord d’airbus mais composent dans la difficulté, mettant toutes les subtilités solfégiques possibles au service de la puissance, de la rage et du "wall of sound". Au pays de la tulipe et autres plantes vertes, on a aussi du “math metal”.
Silhouettes donne une réponse plus accessible à Drawing Circles, piochant à la fois dans le blast arythmique et le chant clair, pour un son caverneux. Old Days Born Anew et son rythme effréné donnent tout de suite le ton: cet album va faire mal. Véritable démonstration de la manière dont on peut lier différents tempi (comprendra qui pourra), ce brûlot met tout de même en valeur des passages mélodiques. La production est à la hauteur, proposant un son de guitare des plus massifs. Cinq minutes ont passé et The Sun’s Architect prend la suite avec toujours autant de rythme. Les performances vocales d’Eric Kalsbeek sont impressionnantes de qualité, alors même qu’il n’hésite pas à se la jouer à Chris Cornell sur les passages chantés, ou à visiter plusieurs octaves pour donner de la verticalité à certains titres. Le morceau finit dans la lourdeur ce qu’il avait commencé dans le rythme, réussite totale. Awake se la joue métal mélodique avant de replonger dans la technicité, il était temps. Car si le groupe est plutôt bon sur ses aspects mélodiques, il est bien meilleur lorsqu’il s’agit de faire des structures volontairement bancales et des riffs assassins. Lament of an Icarus remet justement les choses à leur place, mélangeant binaire et ternaire alors que les premiers solos de guitare font leur apparition, pour ne marquer que mieux l’apparition des premiers solos de guitare. La structure du morceau part dans tous les sens, pas le temps de s’ennuyer, c’est purement meshhuguesque (sic). Lourdeur abyssale pour One Eye for A Thousand, un des titres les plus longs de l’album, frôlant le doom sans jamais céder à la tentation. « State of desobedience » signe l’arrêt de mort des cervicales par excès de headbang. Efficacité maximale, sans compromis. S’éloignant de leurs débuts meshugguesques, les néerlandais s’adonnent au métal burné, rageur et épileptique mais plutôt mainstream, et ça marche. Storm warning marque retour à des structures plus complexes mais même si les néerlandais tiennent à s’éloigner du “easy listenning”, moments aériens et powerchords se côtoient dans une alchimie de plus de cinq minutes. En conclusion de ce nouveau méfait, Messengers et To Erase a lifetime donnent tour à tour dans le lancinant énigmatique et dans le technique mélancolique.
Mélange intelligent de technique, de brutalité et de mélodie, Silhouettes confirme une fois de plus le potentiel de la formation néerlandaise. Un album cependant avare en surprises, si ce n’est par rapport à leurs précédentes livraisons discographiques.

Pierre

10 juillet 2008

Bobital's Review

Première édition d’un des plus gros festivals bretons en tant qu’accrédité, autant dire que l’impatience était au rendez-vous. Malgré une programmation en demi-teinte, ces deux jours s’annonçaient pleins de surprises, compte rendu.

Vendredi 4 juillet
C’est le macaron "parking VIP presse" collé sur le pare brise de ma fidèle Peugeot que je prend la direction d’un festival que je connais bien pour l’avoir fréquenté à plusieurs reprises auparavant. Après la traditionnelle plantade dans les routes de campagne, l’arrivée sur le parking presse sent bon le festivalier remonté à bloc (mes deux prochaines nuits se passeront sur ce même parking, mais ça, je l’ignore encore). Appareil sur le dos, accréditation récupérée, je profite d’un show de Sinik qui m’intéresse assez peu au final pour prendre mes marques dans l’espace presse où on me fait comprendre gentiment que j’aurai difficilement accès à la fosse photographe. Première déception, mais qu’importe, le premier contact avec le responsable de la presse Internet est chaleureux. Ascenseur émotionnel puisque je découvre dans la foulée que pour les journalistes sont gratifiés d’un open-bar dont, par professionnalisme, je me tiendrai éloigné, au moins pour quelques heures.
17h30, me voilà au premier rang devant la scène 2 pour voir The Subways, un concert attendu depuis trois ans pour certains (dont moi). Le trio déboule sur scène devant un public dégarni et peu au fait des compositions des trois anglais. L’énergie est pourtant au rendez-vous dès les premières notes, à l’image de Charlotte, bassiste de son état, qui saute en permanence et arpente la scène de long en large entre deux chœurs. Les titres du dernier album sont des véritables bombes, et l’audience bretonne est particulièrement réceptive. Après quelques problèmes techniques sans gravité - « le dieu de la guitare n’est visiblement pas avec moi aujourd’hui » dira Billy (chant-guitare) – et le trio power-rock enchaîne ses titres comme autant de salves de décibels. Le temps de tomber amoureux de la bassiste, et le show touche déjà à sa fin, avec pour couronner le tout un slam du chanteur. The Subways sort de scène sous une ovation, mission accomplie. Premier concert, première claque, ça commence bien. Massilia Sound System enchaîne sur la scène principale, avec son accent du sud qui sent bon le soleil, qui, malheureusement, boude alors la Bretagne. Petit coup de vieux pour ce groupe que j’avais déjà croisé du côté de Langon quelques années auparavant. Mais bon, quand on offre une tournée d’anisette aux premiers rangs, on oublie et on profite. Au final, un concert sautillant, parfait pour digérer le précédent concert dont je n’arrive toujours pas à sortir. Retour à l’espace presse pour mettre quelques notes par écrit et revoir d’anciennes connaissances, la convivialité est dans la place. Un peu plus tard, Louis Bertignac investit les planches devant un public qui se prépare à un come-back « années Téléphone ». Un groove excellent, une complicité avec le public comme on en voit rarement, le french guitar hero donne des frissons à toutes les classes d’âge, de la mamie artrosée au collégien bariolé. Il quitte Bobital sous une longue ovation, beau souvenir.
Didier Super, naze (avec ou sans virgule, au choix). Les quelques minutes que j’ai passé devant lui m’ont complètement déconcerté. Pas de demi-mesure, on adore ou on aime pas, mon choix est fait. C’est donc Cali qui obtiendra mes faveurs, même si je préfère l’écran géant de l’espace presse à la foule (premier contact avec l’open bar). Car si le perpignanais transpire, les nuages aussi, et c’est l’averse. Le chanteur en profite pour s’amuser à glisser sur l’avancée de scène, détrempée, accompagnant le public dans l’humidité ambiante. Un show sympathique, qui met en bouche avant Travis, un des moments forts de la soirée. Dans la fosse où je suis contraint de prendre mes photos, un anglais en tongs (visiblement réchauffé) n’en peut plus d’attendre. Impossible de ne pas être sensible à la pop mélancolique du groupe, d’autant qu’il n’est pas avare de références aux tubes de The Invisible Band, album qui les a fait connaître du grand public. C’est en ayant confiance en mon potentiel de photographe que je me mêle à la foule qui attend impatiemment Scorpions. Au début du show, ma petite taille et les mouvements de foule auront raison de mon optimisme, retour à l’espace presse (deuxième contact avec l’open bar). Sur l’écran, la foule paraît énorme. En réalité elle l’est beaucoup plus. Les Scorpions font un show net, mais beaucoup moins énergique que lors de leur dernier passage ici-même. Entre temps, ils ont pris trois ans de plus, et à leur âge, ça ne pardonne pas. Le temps de sympathiser avec un organisateur et un journaliste radio, et Mattafix commence à déverser son trip hop ambiant et entêtant. Une jolie découverte, à suivre. Petit détour par le concert des Hushpuppies, assez mal récompensés à mon sens, puisque jouant sur la scène 3. Un concert très appréciable, entre énergie rock’n’roll et jean slim blanc. Retour à l’espace presse où j’obtiens un sésame pour la fosse des photographes, à l’occasion du passage de Déportivo sur la grande scène (non il n’y a pas d’erreur). Le groupe, qui a joué dans l’après-midi aux Solidays, affiche une fraîcheur un peu entamée. Entre fatigue et alcool, une de leur moins bonne prestation, dommage pour un public qui gardera une image embuée d’un groupe qui pourtant transpire le live et le rock’n’roll. Dernier contact (prolongé) avec l’open bar, fin de la première journée.

Samedi 5 juillet
Réveil difficile, si bien que pendant un temps je pense voir Ringo Starr avec une surcharge pondérale, un Mac Cartney devenu droitier et un John Lenon revenu du monde des morts. Après analyse, il s’avère en fait que ce sont les Rabeats et non les Beatles, mince, ç’aurait été bien. Les reprises (à la note près) du quatuor factice font l’effet d’un brumisateur sur une personne âgée lors de la canicule : Bobital sort de sa gueule de bois, Bobital revit. On enchaîne sur la scène principale pour un revival eighties, avec tous ces chanteurs qui n’ont fait qu’un carton et qui vivent encore de ça aujourd’hui. Au menu, Desirless, Partenaires Particuliers, et, bien entendu, Émile & Image, qui met le feu à une foule étonnement compacte pour l’horaire. Pour ma part, l’heure est au fignolage de l’interview d’Empyr, qui approche à grands pas. Après RFM party 80, Fatal Bazooka, on va crescendo vers les abysses de la créativité musicale. Chose rare pour être soulignée, Mickaël Younn continuera le show après s’être fait amoché par un jet de canette au visage. On peut ne pas aimer l’artiste, mais là chapeau. Présent parmi les curieux venus voir Boy George, je laisserai vite ma place, ce n’est pas de mon âge ces choses-là. 20h, début de l’interview avec deux membres d’Empyr, un vrai plaisir. S’en suit une séance photo improvisée, où la simplicité du groupe fera plaisir à voir.
« Un Oasis s’il vous plaît ! ». C’est finalement The Verve qui sera servi frappé sur la grande scène, mais difficile de ne pas faire le rapprochement avec les Gallagher. Sans connaître à fond ce groupe pourtant incontournable de la pop britannique, je reste bouche bée devant la qualité du show. Noisy, électro, folk, pop, toutes les facettes du groupe de Richard Ashcroft sont accueillies avec ferveur, respect. Avant cela, Dub Inc a fait une véritable démonstration sur la scène 2. L’un des groupes moteur de la scène reggae hexagonale a littéralement fait sauter des dizaines de millier de personnes avec son voyage rythmé au cœur de l’Afrique. Ne pas aimer le reggae est un fait, mais là on ne peut que s’incliner devant la prestation du septet. Seul groupe avec Sinik à représenter la scène rap, IAM compte bien marquer le coup. Mais c’était sans compter une coupure totale de son, qui laissera le groupe un temps perplexe, avant qu’Akhenaton prenne le seul micro en état de marche pour assurer le show à lui tout seul. L’interprétation a capella qu’il réalise est saluée à sa juste valeur par le public. Le son revient et on peut enfin profiter de « petit frère » et « l’empire du côté obscur », de grands moments.
Reste Empyr à passer sur la grande scène. Le gros des festivaliers a déjà rejoint son hôtel de fortune mais le groupe fait la preuve de son professionnalisme en assurant un show de qualité. The peaceful riot est revisité à la sauce live, pour le plus grand plaisir des fans venus occuper les premiers rangs. Sur scène, Fred ne tient pas en place et joue avec les cameramen, toute une intensité qui montre l’implication du groupe. Les performances vocales de Benoît, ex Kyo, sont propres, surtout s’agissant des cris, un domaine assez peu exploré avec son ancien groupe. L’autre surprise vient de la qualité des parties de chant assurées par Benoît, ex pleymo et bassiste au sein d’Empyr. Impressionnant de rigueur, le groupe enchaîne les titres avant un final dantesque avec "Join us", ode lancinante et noisy sur la fin, une dernière montée de distorsion avant la fin de la soirée, décidément bien remplie.

Deux jours d’apprentissage journalistique, deux jours de concerts, deux jours d’open-bar, deux jours de plaisir.

Pierre

Gallerie photo


Merci à Jean-Baptiste et toute l’équipe des bénévoles de l’espace presse, coucou à Christophe de l’organisation, à Didier de RTF.

08 juillet 2008

ITW Empyr


Bonjour, est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter succinctement ?

Benoît : Alors, moi je suis Benoît, bassiste du groupe et je fais aussi des chœurs, un peu de chant
Jocelyn : Et moi je suis Jocelyn, je suis batteur.

Vous arrivez du festival Solidays, où vous avez joué hier, comment s’est passé le concert ?

B : Écoute c’était plutôt cool, on était assez surpris parce que c’est toujours un peu difficile de commencer un festival, et là en l’occurrence on était le premier groupe à jouer, le premier son à être envoyé. Je crois que cette année ils sont passés à un système de billets électronique, et ils ont eu des petits soucis. Du coup beaucoup de gens sont restés coincés à l’extérieur, mais quand on a commencé à jouer il y avait quand même pas mal de monde, et puis ça s’est rempli au fur et à mesure du set. Mais ça s’est très bien passé.

À l’heure actuelle vous n’avez qu’un seul album à votre actif, comment vous gérez ça dans les concerts où vous êtes la tête d’affiche, dans des salles de concerts traditionnelles ?

B : On joue tout l’album, plus deux morceaux bonus qui ne figurent pas sur "The Peaceful Riot". L’un des deux est sur la version japonaise, c’est "Way Out". L’autre morceau, on avait commencé à l’enregistrer aux États-Unis en studio, mais on l’a pas gardé sur le disque, considérant qu’on avait dit assez de choses avec douze titres. Mais comme on l’aime quand même pas mal ce morceau on le fait en live. Puis c’est une cartouche assez péchue du set (rires). Ça s’appelle "Say It".

Pour en venir à proprement parlé sur l’album, j’ai entendu dire que vous aviez résidé au même endroit que Nirvana pendant un temps, c’est véridique?

J : Non c’est vrai, mais bon c’est vraiment une anecdote. On était dans une résidence d’appartements temporaires, donc là-bas beaucoup de gens viennent pour des castings, donc de un jour à 6 mois. Et eux étaient venus dans la même résidence que nous, on l’a appris une fois là bas. La nana à l’accueil nous montrait toutes les photos avec les personnes qui étaient venues, et puis il y avait Nirvana. Mais bon on le savait pas avant d’y aller et ça a pas vraiment influencé notre séjour.


Fred, qui assure la guitare au sein du groupe, est aussi producteur et a travaillé sur pas mal d’albums. Il s’est investi dans la production de cet album ou il a laissé le champ libre à Ken Andrews ?

B : Je crois que quelque part ça lui a fait un peu des vacances de ne pas se soucier du travail de producteur, dans le sens où depuis 10 ans tout ce qui concerne la production, c’est lui qui s’en charge. Et là dans ce nouveau groupe, je pense que ça lui allait de travailler avec quelqu'un et de se décharger de ça pour se concentrer uniquement sur le côté création. Et puis nous on avait aussi ce souhait de travailler avec ce mec là.

J : Avec Watcha, les 2-3 derniers disques c’est lui qui a tout fait et des fois avoir plusieurs casquettes dans un groupe c’est pesant. Alors c’est intéressant d’avoir les choses en main, mais en même temps là je crois qu’il était content d’avoir simplement un rôle de musicien et pas de producteur.

La basse est un pilier du son de l’album, tu as eu une recherche particulière par rapport à ça, une évolution vis-à-vis de ce que tu faisais avant ?

B : Disons que mon évolution générale depuis le début est quand même au service de la chanson. Dans les premiers albums que j’ai fait avec Pleymo, c’était des plans techniques avec beaucoup de parties un peu bizarres. Plus ça va, et plus j’ai envie vraiment de servir un groupe et de m’inclure dedans, et non pas de ressortir. Donc je vais dans ce sens-là depuis que j’ai commencé.

J : Je trouve que t’étoffes davantage ton son sur Empyr par exemple. Le but n’est pas de faire des grosses coupures rythmiques, mais par contre je trouve que la basse dans le disque apporte beaucoup aux riffs de guitare.

B : Le son a quand même pas mal changé sur cet album. J’ai enregistré sur mes basses mais aussi sur d’autres, et globalement j’ai joué sur du matériel que je ne connaissais pas beaucoup. Malgré tout je suis assez content du bon son de tracteur que j’ai sur l’album (rires).


Encore par rapport à la basse, j’ai trouvé que son rôle remplaçait presque les gros riffs de guitare, assez peu présents sur l’album finalement, et que sa présence s’en retrouve bien plus forte.

B : Oui c'est vrai, c’est complètement logique en fait. Si tout le monde envoie le même signal, t’auras de la puissance. Mais si les guitares s’écartent pour faire des choses plus légères sur les côtés, la basse va forcément ressortir, et la base du morceau va acquérir d’elle-même une certaine lourdeur. Effectivement sur cet album on avait pas envie de refaire les morceaux avec des gros accords plaqués. On a fait pas mal de recherche dans le son et la composition pour apporter quelque chose de plus fin. Au final, il y a assez peu de sons de distorsion, on appuie de moins en moins sur la pédale « disto » car il y a d’autres choses à explorer. Ce groupe-là, c’est un peu ça, c’est explorer un côté artistique, mais aussi en termes de son et de production.

J : Avec nos groupes respectifs avant on avait tendance à faire la même chose tous ensemble, pour avoir un mur de son. En écoutant des groupes américains on s’est rendu compte que quand les guitares ont leur rôle de guitare et que la basse occupe sa place, c’est souvent bien plus gros comme ça. Pendant l’écriture on a donc été attentifs à écrire des parties de guitares qui soient pour des guitares et à ce que la basse ait sa place.

À l’écoute de l’album, j’ai trouvé que les titres les plus longs étaient ceux qui étaient les plus porteurs, les plus réussis.

B : C’est logique en fait. Quand tu veux installer un climat dans un morceaux, il faut un peu plus de temps, il faut poser les choses. C’est dur de créer des climats entêtants sur des chansons courtes, mais à la fois on aime bien ça. On aime bien aussi envoyer une chanson courte, efficace, catchy, parce qu’on aime les deux.

J : On en parlait, je sais que moi j’ai envie de sortir du schéma classique des morceaux, où t’es contraint de revenir sur ton couplet après ton refrain. Ça donne peut-être des chansons super efficaces, mais nous on avait envie de créer des climats particuliers, ce qui implique de s’attarder. Pourtant on trouve aussi un intérêt à faire des morceaux compacts, avec la structure couplet-refrain. Je pense que sur le prochain album, maintenant qu’on a vu que ça fonctionnait, il y aura de plus en plus de chansons longues.

B : Moi je pense que sans parler de climat lourd et lent, l’objectif du prochain album, puisqu’on aborde le sujet, sera d’essayer de créer des atmosphères étranges même dans les chansons courtes. L’objectif pour moi est d’arriver à faire quelque chose de bizarre et efficace.

Que dire de la signification du visuel qui illustre votre album ?

B : C’est un visuel qui est venu petit à petit. Benoît avait cette idée de drapeau, de bannière, qui colle bien avec le nom "Empyr". Il y avait cette idée de construire quelque chose de nouveau, c’est un thème qui est assez récurent dans les chansons. On s’est dit qu’on allait incarner ça avec un personnage, livré à lui-même, au début d’une nouvelle ère ou à la fin d’un monde, en plein milieu d’un désert…

J : … et on lui a mis un partenaire un peu imprévu…

B : … et symbolique à la fois. C’est vraiment un choix graphique. Je me souviens, on en discutait en studio, et on se disait que ce serait mortel d’avoir un ours, un animal à la fois beau et puissant. Puis on aime bien aussi l’imagerie un peu décalée de Lynch, avec un côté un peu surnaturel. Après on s’est aperçu que placer un ours blanc dans un désert, ça allait dans le même sens que l’imagerie de puissance et de fragilité combinées.

J : Oui il y a un côté fragile dans la figure de l’ours blanc, même s’il en impose, c’est une merveille comme animal !

On retrouve, toujours dans le visuel, cette imagerie trash, crade. Ça vous colle bien cette image crade ?

B : La photo présente sur les affiches retranscrit toujours ce côté un peu apocalyptique, onirique. Le choix de la colline, de la lune derrière, et du côté crade c’est totalement en corrélation avec notre musique.

Cet univers est aussi celui développé par Mark Maggiori (ex chanteur de Pleymo), qui a réalisé votre clip. Quelle a été son influence à ce niveau là ?

B : À la base, on était parti sur une autre idée pour le clip. Sans même en parler à Mark, on voulait faire un clip dans le monde entier, montrant des suites de portraits, avec des personnages, qui, au bout du comptes, seraient tous connectés par la musique. Malheureusement on s’est vite aperçu qu’on pourrait jamais le faire pour des questions évidentes de financement. On a alors contacté Mark, qui nous a dit qu’on pouvait réaliser ça à Los Angeles, pendant qu’on y était pour l’enregistrement. Du coup on est parti faire ce clip avec lui. Et puis c’est vrai qu’en ce moment il est vraiment dans cette recherche de freaks, de personnages un peu bizarres, le midwest américain… il est bien obsédé par ça. Lui nous a aussi mené un peu dans son univers et quelque part cette galerie de portraits nous rappelle de bons souvenirs car la plupart des gens qui apparaissent sont des amis qu’on s’est faits sur place.

J : Au début on avait des idées un peu plus « concept », dans le même esprit que l’affiche, avec cette lune énorme. On pensait le faire en Islande d’ailleurs. Et puis en regardant l’EPK réalisé pour "Water Lilly", avec tous ces gens qui défilent, on s’est finalement décidés à poursuivre dans cette voie. C’est vrai qu’on avait envie de faire un peu le tour du monde, et faire dire quelque chose à tout le monde, les filmer en situation avec un drapeau par exemple. Mais au niveau budget c’était un peu compliqué (rires). Et puis à Los Angeles, où on est restés deux mois quand même, les personnages, qui sont en fait des connaissances, étaient déjà là, disponibles.

Je ne vais pas revenir que le choix de la langue, mais est-ce que ça a été plus facile d’exprimer cette mélancolie ambiante qui règne sur l’album avec l’anglais ?

J : Pour moi la mélancolie vient en effet des textes, mais elle vient aussi de la musique. Peut-être que ça aurait été plus facile de donner cette impression de mélancolie en utilisant le français, parce qu’on maîtrise mieux, mais par contre le fait que la voix soit plus utilisée comme un instrument, et qu’elle soit incluse beaucoup plus musicalement, je pense que ça nous a véritablement aidé à donner les intentions qu’on voulait au niveau des ambiances.

C’est vrai que la voix apparaît comme un instrument sur cet album.

B : C’est l’anglais qui permet ça! Le français, t’es obligé de le sur-mixer, de le mettre en avant pour assurer certaine compréhension. L’anglais s’arrange beaucoup plus facilement, c’est des ouvertures de voix assez particulières, finalement assez proche d’une guitare avec une wha-wha (il mime). C’est beaucoup plus musical.

J : C’est ce que nous expliquait une anglaise qu’on a vue récemment. En français pour déchiffrer un mot t’es obligé de comprendre les 2/3 des syllabes. En anglais il y a un côté beaucoup plus phonétique dans la langue, donc si t’accroches un morceau du mot tu le comprends. Donc c’est une langue qui se mixe naturellement 6 décibels moins fort que le français. Ça change beaucoup de choses dans la conception, t’es pas obligé de mettre le chant en avant. Alors parfois on a fait ce choix, mais ça n’est plus une obligation.

Est-ce que le fait d’avoir eu des contrats chez des majors dans vos groupes respectifs vous a aidé pour figurer aujourd’hui au catalogue de Sony BMG ?

B : Ah complètement.

J : Indéniablement.

B : Kyo était chez Jaïve-Epic, Pleymo aussi, Fred et Watcha étaient dans le même immeuble, chez Sony, donc ça s’est fait très naturellement. On a eu l’idée de ce groupe, on a commencé à travailler, personne dans la maison de disque n’était véritablement au courant. Pour autant la plupart des contacts que l’on a là-bas sont des amis, donc ils ont fini par savoir qu’on avait ce projet-là. Ils ont écouté et ils ont été emballés tout de suite, donc ils ont voulu nous accompagner dans le projet.

J : Pour le coup il n’y a eu aucune pression. La moitié des gens avec qui on bossait n’avait même pas entendu les maquettes. Le directeur artistique est venu un jour au bout d’un mois d’enregistrement, et il est reparti super content de ce qu’on faisait. Le fait qu’on ait travaillé pendant longtemps avec des majors nous a enlevé ce poids qui pèse en temps normal sur les groupes tous neufs.

B : En fait dans les maisons de disques il y a plusieurs catégories d’artistes. Certains sont présents car ils ont des perspectives de succès assez fortes, donc ils subissent beaucoup plus de pressions que nous pour que ça marche. Nous on fait partie des artistes en développement, on a la chance d’être dans cette catégorie là. En fait les majors mettent la pression sur des artistes dits rentables pour pouvoir financer des projets comme le nôtre, donc on est plutôt privilégiés. Ça nous donne des libertés.

J : Avec nous ils se font plaisir, et avec les autres ils remplissent les caisses.

Pleymo est déjà passé par Bobital l’année précédente, quel souvenir tu gardes de ce concert Benoît?

B : En fait je bassine souvent les autres, parce qu’avec Pleymo on a fait pas mal de festivals où on repasse maintenant avec Empyr. Avec Pleymo à Bobital c’était un peu le zénith de la tournée, c’est exactement ce que je leur ai dit. Je pense que ce soir ça va être le concert dont on va se rappeler, parce qu’on va jouer devant 40 à 50 000 personnes a priori. On aura rarement l’occasion de jouer devant autant de personnes.

Vous avez fait un travail particulier pour préparer votre album au live ?

J : Pour moi c’est pas nécessaire de rejouer le disque sur scène. Tant que l’esprit du morceau est restitué, c’est pas nécessaire de fouiner et vouloir mettre la guitare acoustique là où elle est sur l’album par exemple. Maintenant je pense qu’une personne qui connaît le disque et qui nous voit en live s’y retrouve à 100%. Certaines choses ont quand même été enlevées, car on a pas le parti pris de garder fidèlement ce qui a été fait sur l’album.

B : On est pas spécialement pour retranscrire les chansons telles qu’elles sont sur l’album. Et même je pense qu’on peut aller beaucoup plus loin que ça, pour donner une version différente en live. Je pense que plus ça va aller, plus on va envisager la tournée comme un autre moyen d’expression, pour donner une seconde vie au morceau.

J : Limite ça tombe sous le sens. Le studio offre pas mal de possibilités, la scène est plus restrictive, on va pas commencer à mettre des milliers de bandes derrières. Donc naturellement on adapte.

Visiblement vous avez l’air assez fan de cinéma, il ressemblerait à quoi le film qui aurait votre album comme bande originale ?

B : S’il y avait un film dont j’aurai voulu faire la bande originale… (il réfléchit)
J : … toi ça doit être un truc du style American Pie (rires)
B : Non ce serait du Lynch. Bon je pense pas que ça arrivera un jour mais ça aurait été un grand pied. Je suis très fan de Cliff Martinez, qui écrit des musiques de film et qui travaille beaucoup avec Soderberg. Et lui a une bonne approche musicale du cinéma, à chaque fois il s’entoure de gens assez pointus dans le domaine musical et j’adore ce que Cliff Martinez a pu produire avec lui. Maintenant je suis ouvert à toute proposition, d’ailleurs s’il y a un réalisateur en herbe, talentueux, qui lit cette interview, qu’il nous contacte, car on ne demande que ça !

J’ai pu entendre des personnes parlant d’Empyr et disant qu’elles n’écouteraient jamais ce groupe car il y a des ex membres de Pleymo, Vegastar, et surtout de Kyo. Comment vous réagissez par rapport à cela ?

J : Moi je trouve ça franchement débile. Par contre on a déjà vu des personnes qui disaient ne jamais vouloir écouter Empyr et qui finalement, après écoute, sont revenus sur leur position. Si Empyr plaît, les gens passeront au-delà de ces préjugés-là. S’ils n’y arrivent pas tant pis pour eux.

B : Ils ont tout à fait le droit de dire qu’ils n’aiment pas. Après c’est dommage de s’arrêter sur des préjugés. Je comprends qu’ils aient été un peu bassinés par Kyo du fait de leur médiatisation, je comprends aussi que le côté Pleymo qui se prenait pas trop au sérieux et qui faisait une musique un peu métal ça leur a pas plu. Mais de s’arrêter à ça et de dire « j’écouterai jamais ça parce que untel ou un autre faisait telle chose », je trouve ça dommage, tout simplement. On juge pas quelqu'un, sa musique, sans l’avoir écoutée.

Qu’est-ce qui tourne comme CD dans le bus en ce moment ? Qu’est-ce que vous avez découvert comme artistes récemment ?
J : Dans le bus c’est plutôt FIFA 2008 ! (rires)
B : Oui on regarde pas mal de films et on se défonce pas mal la tronche à FIFA 2008. Mais sinon ces derniers temps j’ai découvert The Thing Things et Blood Red Shoes.


C’est une tradition, dernière question = question à la con. Alors jouer avec Fatal Bazooka c’est une consécration pour vous ?

B : (rires) Bin ouais (rires). J’ai assisté aux deux derniers morceaux et c'était…. (il réfléchit sans trouver). On m’a dit qu’apparemment il avait pris une canette sur la tronche, j’espère qu’on aura pas le même traitement.
J : Oui je confirme, il est sorti de scène salement amoché.
B : Je suis quand même content de jouer avec The Verve. On avait joué avec eux en Suisse, il y a vraiment de très très bonnes phases en live. Le chanteur a un charisme de fou, il incarne carrément sa musique. Puis Boy George ça a bien bercé mon enfance (rires).

Merci à vous !
B : Merci à toi, très sympa comme interview
J : Ouais merci, à bientôt !

Pierre

Merci à Aurore et Christophe du management Empyr, à Benoît et Jocelyn pour leur disponibilité. Bonjour à Didier de RTF.

02 juillet 2008

The Peaceful Riot

Oublier Pleymo, oublier Watcha, oublier Vegastar et oublier Kyo. Empyr regroupe en effet des musiciens venus de ces différents groupes, mais l’association ne visite aucun des domaines de leurs formations respectives. Élevé au son de Biffy Cliro, Deftones ou encore Radiohead, le quintet parisiens développe des ambiances feutrées et mélancoliques aux accents parfois rageurs. Fruit d’une collaboration passée de réunions d’amitiés musicales au rang de groupe à part entière, Empyr compte bien marquer le paysage rock et pourquoi pas s’affranchir des frontières hexagonales.


Émanation indirecte de la défunte Team Nowhere, Empyr ose un nouveau défi sur les restes du néo-métal hexagonal, tout en s’en affranchissant totalement. Nouveau style, nouvel univers, mais un line-up qui regroupe des figures connues, à l’instar de Benoît, ex quatre-cordiste de Pleymo, Fred, guitariste de Watcha et producteur de talent à ses heures perdues, ou encore Ben, frontman de Kyo. Enfermés ensembles pendant quelques semaines, les cinq parisiens ont mis à contribution leurs expériences respectives pour ébaucher ce qui sera plus tard "The Peaceful Riot", premier album d’Empyr.
"God Is My Lover" met en place les bases de l’ambiance de l’album, entre guitares appuyées et basse abyssale. L’entrée de la batterie marque une montée d’accords mélodiques, les riffs étant mis à l’écart au profit d’un mélange homogène de deux guitares presque indissociables ; des tonalités mineures pour un effet mélancolique ou la voix est un instrument mis au service d’une instrumentation fouillée. Les guitares martelées de "New Day" introduisent un surplus de rythme avant que l’on retrouve un refrain aérien, maîtrisé, auquel les nappes de clavier de "Birth" donnent une suite évidente. Un duo de clavier doux qui met fin à une première partie de l’album, avant que l’intro de "Tonight" fasse remonter la batterie dans le mix pour asseoir un riff un et entier, prenant une place conséquente dans enceintes. Le refrain, suite d’accords lents et lancinants, n’aurait pas fait tache dans le dernier album de Pleymo (cf. "Phantom"). La montée en puissance du début de l’album se sent dans l’apparition de quelques cris, et d’une batterie surpuissante, Jocelyn (ex batteur de Vegastar) étant coutumier du fait (voir sa prestation sur le DVD Team Nowhere). "Water Lilly" marque le retour des samples, entre pianos suraigus et ce qui semble être des guitares enregistrées en reverse-delay. Le refrain lunaire laisse une place confortable à la basse, assurément un des piliers de cet album, le tout dans des riffs lancinants et hypnotiques d’influence Team Sleep. Certainement un des titres les plus aboutis et les plus révélateurs du talent du groupe. Retour à des structures plus syncopées avec "The Voice Of The Lost Souls", où la voix reste majoritairement en retrait, avant quelques cris sur riff bien senti. Dur de donner une suite à la hauteur du précédent titre, mais Empyr sort la carte cris métal et riffs du même acabit pour une fin dantesque. Les arpèges quasi acoustiques de "Forbidden song" marquent une pause, où la nostalgie atteint son paroxysme. Le cocktail de phrases répétées jusqu’à s’époumoner et de chant mélodique fonctionne, l’ambiance en est d’autant plus sombre. Les accents pop de "The one" montrent un autre visage du groupe, avant que les guitares reprennent le dessus. Le refrain catchy de "The Fever" n’est pas d’un apport majeur par rapport aux précédents titres mais la fin presque martiale du morceau a tout de même son lot de surprises, même si ce n’est pas là la meilleure production du quintet. "March on" et "Join us" concluent "The Peaceful Riot" d’une belle manière, entre mélodies lancinantes et chant dépressif pour le premier, et basse omniprésente couplée à des guitares acides pour le second. Là encore, les titres longs donnent à voir le goût du groupe pour les progressions d’accords planants et son talent quand il s’agit d’intensité.
Empyr délivre ici un album homogène et fouillé, à la production soignée. Les quelques longueurs du milieu d’album ne doivent cependant pas résumer 12 titres à la véritable personnalité. Note spéciale aux deux derniers titres de l’album ainsi que pour "Water Lilly", à n’en pas douter les plus belles réussites du quintet.

Pierre