17 février 2008

La der'


Fin mai 2007, les cinq de Freedom For King Kong se réunissaient une dernière fois sur scène, mettant fin du même coup à une carrière de 13 ans. La der’ est le témoignage de ces trois jours de concert d’adieu en lieu et place du Manège, à Lorient, leur fief.
Pour fêter leur départ, les fondateurs de la goril’music ont mis les petits plats dans les grands et l’album s’en ressent. Une set-list de malade mental qui débute avec Acolyte Anonyme, une belle manière de rendre hommage au public qui le suit depuis 4 albums. Le son est tel que l’on s’y croirait : on imagine volontiers Bring’s sautant partout, haranguant la foule sur Le Syndrome de Peter Pan ou sur 100%. Tout le spectre des influences de Freedom For King Kong résonne à travers les riffs de Marche ou rêve, le calme de Révolution ou la jungle de Phénomène, titre des plus efficaces pour lancer "le contest de slam", dixit Bring's. L’engagement est aussi politique que physique sur Babylone, véritable détonation sonore, tout comme le début dissonant de À fleur de peau, titre issu du dernier effort studio du groupe. Rencontre enchaîne avec Primatologie dans un flot de guitares lancinantes, pour le plus grand plaisir de la centaine de personnes venue pour l’évènement. Une chose est sûre, l’émotion est au rendez-vous du côté de la scène, à entendre la manière dont Bring’s fait ses remerciements après un démentiel Les étiquettes. Plus de peur que de mal néanmoins, puisque le groupe revient pour une dernière ligne droite digne de leurs plus grands concert : Révolution, Si nike et sans complexe, Sodocratie, Marche ou rêve et Souriez se suivent dans un crescendo sonore et une débauche d’énergie dont les lorientais vont se souvenir longtemps.
La goril’music s’est éteinte, mais cet album laissera une trace indélébile dans l’esprit de chaque personne ayant vu au moins une fois Freedom For King Kong en live. Ainsi que Rage Against the Machine et de nombreux groupes avant, Freedom For King Kong offre ainsi à son public son ultime péripétie musicale.

Pierre

EZ3KIEL @ L'Antipode (Rennes)

Mode touriste "on" pour ce premier concert estampillé Wfenec, c’est donc les mains dans les poches que je rejoins la file d’attente devant l’Antipode. Un cafouillage organisationnel et une leçon de morale plus tard, les beats de Robert le magnifique me parviennent enfin. Même avec son statut de première partie, le DJ fait le job et le fait bien, passant du scratch au slap tout en maniant les styles avec agilité.
Le temps d’une pose bière et Ez3kiel investit la scène devant 500 personnes remontées à bloc dès les premières notes d’Adamentium, servi avec des lights hypnotiques. Électro en album, Ez3kiel prend une tournure rock sur scène, à la faveur de la formation scénique du groupe qui comprend le triptyque guitare-basse-batterie. Les échos de Naphtaline ne tardent pas à se faire entendre, marquant l’entrée du visuel : tout au long du concert, des images projetées viendront soutenir les titres plus calmes, s’effaçant lors de ceux comme Volfoni’s Revenge ou le très violent Firedamp, pour donner toute la dimension nécessaire aux compositions les plus épiques du groupe. En jeu permanent, les quatre musiciens développent des ambiances parfois apaisantes, où l’inquiétude se débarrasse de son préfixe, et parfois morbides, comme sur le thème de Naphtaline repris au piano dans un écho glaçant. Mention spéciale à Break or Die, durant lequel les patterns de batteries seront transmis en visuel grâce au logiciel créé pour Naphtaline et présent sur le DVD interactif alors proposé par le groupe. Les arrangements diffèrent de ceux proposés en CD, si bien que le public va de surprise en surprise, comme sur The Wedding, où le visuel prend le pas sur l’audio dans le pur style cinématographique. C’est d’ailleurs sur un générique de film que le groupe quitte son public après 1h30 d’un show intense en émotions. Rappel indispensable, et c’est Barb4ry qui est offerte comme cadeau d’adieu au public rennais.
Malgré un concert rondement bien mené, on regrettera l’absence de chanteur, notamment sur Spit on the ashes, et la place prépondérante des samples, qui malgré leur utilité matérielle ne réussissent pas à remplacer de vrais instruments. Un détail parmi tant d’autres qui n’enlève cependant rien à la prestation rennaise d’Ez3kiel.


Pierre

Merci à Alex pour les photos.

Hérésie

Hérésie marque le retour d’Aqme aux choses sérieuses, après une pause écourtée pour des raisons de bougeotte créative. Direction la Suède pour ce quatrième effort avec Monsieur Daniel Bergstrand à la production, comme sur Sombres Efforts et Polaroïds & Pornographie, autant dire que ça va faire très mal.
Après une intro arpégique d’inspiration mélancolique, le riff mélodique de Uniformes prend la suite dans un style nordique avant d’annoncer un refrain aux allures de slogan de manifestant (Je ne veux pas vivre dans un uniforme). Lourd Sacrifice et Un goût amer continuent d’asséner l’auditeur jusqu’à Karma & Nicotine, teinté de single-itude (sic). Cette première partie dévoile la maîtrise du groupe dans ses compositions alors que Un goût amer donne à voir les premières faiblesses du chant, dans le domaine parolier. Karma & Nicotine, Les enfers, En saga om livet et Romance mathématique montrent le côté plus mélodique du quatuor parisien, alors que les paroles de Thomas ont du mal à toucher l’auditeur, si ce n’est en lui donnant une impression dérangeante, notamment sur En saga om Livet (Cette souffrance a déjà un nom, elle s’appelle vie). Passé ce petit interlude de 4 titres, le tempo rapide de Casser/Détruire met tout le monde d’accord avant de passer à 312, tout aussi efficace et faisant largement référence à Polaroïds & Pornographie. La fin de l’album ne relève pas d’un intérêt énorme, sauf pour les amateurs de la lourdeur cradingue de La fin des temps. Le groupe se perd dans les breaks et délaisse une efficacité qui lui allait pourtant si bien.
En définitive, Hérésie fait le mélange des trois précédents albums pour un rendu en demi-teinte, notamment à cause des paroles, qui desservent la plupart des compositions les plus calmes. En revanche, Aqme prouve sa capacité à envoyer le boulet. C’est plutôt de bonne augure pour la tournée!


Pierre

08 février 2008

Precambrian


Coutumiers du fait, les Allemands de The Ocean jouent avec les concepts et Precambrian ne déroge pas à la règle. Ce dernier effort est le fruit de 2 ans de composition et de 6 mois d’enregistrement à Oceanland, le studio du groupe, avec la participation de 26 musiciens et chanteurs. Une organisation digne des voyages Fram et un casse-tête pour Robin Staps, giutariste et compositeur principal du collectif, et voilà l’album qui sort avec grand bruit dans les bacs fin 2007.
Precambrian est en fait un double album (Hadean/Archean et Proterozoic), symbolisant deux sous périodes géologiques de l’ère du Précambrien, qui court de la naissance de notre chère planète jusqu’à son 4 560 millionième anniversaire. La violence de l’Archéen/Hadéen est magistralement reproduite à travers la froideur de riffs d’influence Meshuggah, de structures polyrythmiques et de chants gutturaux à souhait, à l’image de Hadean qui met en scène Mike Pilat, nouveau chanteur du collectif. Parfois empreint de riffs proches de Mastodon, Eorchean prend la suite dans une même veine « métal grandiloquent », alors les 2’46 de Paleoachean offrent un hardcore rapide et efficace. Des guest de choix accompagnent le grondement dinosauresque des guitares puisque Nate Newton de Converge et Eric Kalsbeek de Textures se sont joints à l’enregistrement, apportant leur charisme à un album qui n’en est pourtant pas dépourvu.
Une évolution biologique plus tard et nous voilà dans l’ère plus calme du Protérozoïque, là aussi génialement mise en musique. Le côté épique du groupe s’affirme plus dans ce deuxième CD, qui débute sur des nappes de saxophone et des arpèges lancinants. Contrairement au premier qui offrait technicité, violence et énergie de tout son long, Proterozoic prend le temps d’amener des guitares lourdes sur des tempi lents, d’où une démente impression de grandeur. On comprend vite que ce CD contient plus de « subtilités » que le premier, à l’image de Ryhacian, qui fait monter la pression sur près de 10 minutes. Moins direct, ce CD cultive une ambiance inquiétante et épique à la faveur de l’entrée en jeu d’instruments tels que le violon ou le xylophone (Satherian). Preuve de la polyvalence du collectif, Ectasian se frotte au violoncelle et au piano le tout dans une mise en scène cinématographique, avant que les guitares n’entrent en jeu, mises en valeur par une batterie titanesque et un chant en retrait. Pour mettre un terme à ce deuxième CD, les membres du collectif n’hésitent pas à diffuser des riffs planants orchestrés avec violon (Stenian), des mélodies inquiétantes sur fond de guitares monstrueuses (Tonian) et un piano troublant associé à un duo de violoncelle pour un final inattendu.

Pierre

07 février 2008

Parmi Eux


Bien avant les Naast, BB Brunes et autres Plasticines, le rock français (le vrai) était notamment incarné par un trio caustique du nom de Déportivo, référence à peine voilée à leur sport fétiche. Passe en profondeur, centre en retrait et frappe pleine lucarne, la trentaine de minutes de Parmi eux marque à tous les coups. Footeux comme pas deux, les Déportivo diffusent un réel esprit d’équipe dans cet album, alliant accords saturés, batterie lourde et basse mélodique, le tout pour le plaisir des oreilles.
Larsen, suite d’accords saturés sur fond de batterie, le ton est donné dès les premières notes de l’album et 1000 moi-même met tout le monde d’accord. Pas le temps de souffler, Parmi eux et Queen of the universe se suivent dans un déluge de riffs qui fait immédiatement penser à des illustres groupes comme Nirvana ou Fugazi. Efficacité, le mot d’ordre est toujours présent même sur les trois titres acoustiques (« A l’avance », « Alambiqué » et « Sur le moment »), qui emmènent l’auditeur vers des horizons différents, plus mélancoliques. Les paroles, parfois difficilement compréhensibles mais faisant la preuve d’une forte influence de Brassens, donnent encore une autre dimension à la musique de Déportivo, définitivement pas réductible à du rock « trois accords ». Au milieu du périple de l’album, « La salade » et « Wait a little while », à grand renfort de chœurs et de cris rageurs, sont une débauche d’énergie telle que la pause acoustique de « À l’avance » n’est pas de trop pour aborder la dernière ligne droite de l’album. Car « Roma » et « Paratonnerre » sont comme les deux dernier buts de l’équipe de France lors de la finale de la coupe du monde en 1998, une manière d’enfoncer le clou et se s’assurer de l’issue du match. Victoire incontestable.

Pierre

04 février 2008

Déportivo

Sûr que l’attente du deuxième album du trio parisien Déportivo est grande. Il y a deux ans, Parmi eux les avait entraînés sur les routes pendant près d’un an et demi, bouclant cette montée en puissance en compagnie de leurs compères de Luke.
Jérôme (guitare/chant), Richard (basse) et Julien (batterie) se sont cette fois isolés pour un enregistrement campagnard du côté d’Angers, ont pris leur temps et se sont entouré de Gordon Raphaël notamment, l’artisan du son des Strokes. On est en droit de s’attendre à une tuerie d’album, conjuguant l’énergie que Parmi Eux déclenchait en concert et quelques nouveautés du coté mélodique, pourquoi pas. Et là, c’est le drame… La surprise est de taille dans les enceintes, tant les titres sont mous du genou. Pas que les compositions ne soient pas rock’n’roll (Exorde Barraté, En ouvrant la porte), parfois noisy (La Colline) ou souvent champêtres, à l’instar de I might be late ; mais la trentaine de minute que dure le périple auditif fait voir de sérieux défauts de fabrication.
Simplistes en anglais, les textes sont pourtant toujours aussi lettrés dans l’idiome maternel, et le chant, largement mis en avant, se risque au calme sur la majorité des titres. Exit donc les cris rageurs du premier album, mais Jérôme se frotte à des phrasés plus recherchés, notamment sur Ne le dis à personne et personne ne le saura. Pourtant on regrettera l’absence de chœurs, laissant le chant livré à lui-même. La basse quant à elle se paie une place de premier choix, faisant la preuve que cet instrument, rythmique à la base, n’est pas privé de mélodies.
Finalement cet album est un pied de nez. Les titres s’arrêtent quand on voudrait qu’ils continuent, la basse supplante une guitare reléguée au rang de rythmique et les arrangements s’éloignent franchement de ce que l’on a pu voir sur la tournée de Parmi Eux, voir notamment Les bières aujourd’hui s’ouvrent manuellement, reprise de Miossec. Le tout pour notre plus grand plaisir ? Pas sûr, mais Déportivo met tout de même la barre plus haut que les ploucs à mèche.

Pierre